La souveraineté économique impossible : un point de vue juridique

Lionel Zevounou, “La souveraineté économique impossible : un point de vue juridique”, dans K. Lamko, A. Niang, N.S. Sylla, L. Zevounou (dir.), De Brazzaville À Montpellier. Regards critiques sur le néocolonialisme français. Collectif pour le Renouveau Africain – CORA Éditions, Dakar, 2021, pp.114-127. Lien URL : https://corafrika.org/chapitres/la-souverainete-economique-impossible-un-point-de-vue-juridique/

La « zone franc2 » en Afrique comprend deux unions monétaires : l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA) et la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) à quoi s’ajoutent les Comores. Le propos porte ici principalement sur la zone Afrique de l’Ouest même s’il s’étend plus largement au franc CFA. Le récent projet de loi proposant une ratification du nouvel accord monétaire entre la France et les États de l’Afrique de l’Ouest parties à l’UEMOA3 a été présenté en pleine crise de la COVID-19. Côté africain, des voix critiques, mais isolées, se sont fait entendre ici et là4. Elles ont dénoncé l’unilatéralisme de l’ancienne métropole dans la décision d’entériner la « fin » du franc CFA. Il faut remonter aux indépendances, pour saisir les racines d’un tel paternalisme néocolonial (1). L’examen de deux affaires contentieuses permettra de mieux saisir l’inertie engendrée par le système CFA sur la souveraineté des économies africaines francophones (2 et 3) ; enfin, quelques pistes de réflexion seront proposées en guise de conclusion (4).

1.  Métamorphoses de la tutelle coloniale

Sous l’empire de la Constitution française du 4 octobre 1958 fut rédigé un titre XII censé régir les rapports entre la métropole et ses anciennes colonies. Comme l’enseigne l’histoire coloniale, l’adjonction de ce titre XII n’a pas résisté à la lame de fond des indépendances5. D’un point de vue juridique, l’existence de l’éphémère « Communauté française»6 a été remplacée par une série d’accords internationaux signés principalement par les anciennes colonies d’Afrique subsaharienne. Il faut le rappeler, ce que l’on entend alors par « Communauté » désignait un dispositif institutionnel et juridique de décentralisation asymétrique par lequel la métropole gardait son hégémonie vis-à-vis de ses anciennes colonies tout en donnant l’apparence d’évoluer vers un destin partagé. Toute velléité d’indépendance unilatérale fut qualifiée par le gouvernement gaulliste de « sécession » dans la mesure où n’existait aucune alternative à la « Communauté française » que celle voulue par la métropole7. Par un artifice fictionnel auquel seuls les juristes sont rompus, les principales compétences communes qui relevaient de la « Communauté » (Titre XII) ont été transférées dans un ensemble d’accords. On a pu parler à ce sujet de communauté conventionnelle. Parmi ces compétences, figure précisément la monnaie8. Jean Foyer, juriste, professeur de droit et alors Secrétaire d’État, chargé des relations avec les États et la Communauté fut l’artisan principal d’une telle transformation. Celle-ci devait permettre de mettre en œuvre ce que nombre de ses contemporains ont qualifié de « continuité législative », expression censée rendre compte de la permanence des institutions et dispositifs juridiques mis en place par la métropole dans ses anciennes colonies9. Si l’on connaît le professeur, peu de choses ont été dites sur le rôle de conseiller du prince joué par Foyer sous l’ère gaulliste dans la conception et l’élaboration d’instruments juridiques prolongeant la domination néocoloniale française après les indépendances. De ce point de vue, la complicité d’une certaine élite juridique dans la mise en forme et l’écriture du dispositif législatif et réglementaire mettant en œuvre la zone franc est encore à écrire.

Évoquer en quelques mots la manière dont on est passé d’une « Communauté constitutionnelle » à une « Communauté conventionnelle » n’est pas inutile afin de comprendre la structuration contemporaine des rapports — dans laquelle le pouvoir exécutif demeure largement prépondérant dans la définition de la politique africaine des pays francophones — entre la France et ses anciennes colonies. Il faut rappeler à cet égard que la signature d’accords prévoyant le « transfert » de compétences entre la France et ses colonies qui allaient bientôt accéder à l’indépendance (le Mali10 et Madagascar furent les premières à en bénéficier les 2 et 4 avril 1960) s’est faite initialement sans consultation du Parlement français11. Mieux encore, ils furent adoptés sans même que les peuples soient consultés… Pour s’en tenir aux domaines économiques, les accords comprennent trois volets : ceux relatifs à la zone Franc, ceux relatifs à la réglementation douanière et enfin ceux touchant aux matières premières dites stratégiques pour la métropole12. Il importe de saisir la combinaison de ces éléments (néo-impérialisme, prépondérance du pouvoir exécutif dans la définition de la politique africaine de la France, mise à distance des peuples africains) pour saisir les continuités jalonnant la politique monétaire du franc CFA depuis les indépendances.

En France, le Parlement vient récemment d’entériner dans une indifférence et une ignorance savamment entretenues la ratification de la réforme du franc CFA en Afrique de l’Ouest13. Le projet de loi adopté en conseil des ministres présenté par le ministre des Affaires étrangères a été déposé à l’Assemblée nationale française pour ratification, le 22 mai 202014. Il comporte un article unique : « Est autorisée l’approbation de l’accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et les Gouvernements des États membres de l’Union monétaire ouest africaine, signé à Abidjan le 21 décembre 2019 et dont le texte est annexé à la présente loi ». Plutôt que d’interpréter cette dernière disposition d’un point de vue formaliste en faisant comme si le régime juridique de la nouvelle monnaie venait se substituer à celui du franc CFA, il serait plus juste de lire le nouvel accord monétaire comme le résultat de la mutation d’un dispositif dont l’esprit est demeuré le même au fil des années. Certes, la présence de la France au sein de la BCEAO disparaît formellement ; à l’analyse pourtant, un contrôle n’en demeure pas moins présent quand on lit les articles 4, 5 et 6 du projet d’accord monétaire de décembre 2019. Ces articles instaurent un système dit de reporting, permettant à l’ancienne métropole, censée jouer le rôle de « garant financier », d’être informée dans les détails de la situation financière et économique des pays de l’UEMOA. Au moment où nous écrivons ces lignes, l’adoption du nouvel accord monétaire entérinant la réforme du franc CFA de l’Union économique et monétaire ouest-africaine est en cours (cela a été le cas récemment du parlement ivoirien), là encore dans l’indifférence et l’opacité la plus totale.

La question centrale qui se pose est celle de la continuité d’un système hérité de la colonisation : à strictement parler, des modifications ont certes eu lieu, mais elles restent mineures pour ne pas dire insignifiantes. Leur contenu a, à notre connaissance, peu été débattu dans l’espace public africain francophone. De la même manière que ce qui s’est passé après les indépendances, les peuples africains ont tout simplement été tenus à l’écart d’enjeux qui les concernent pourtant au premier chef. Aucun effort n’a non plus été entrepris en métropole dans les milieux universitaires ou intellectuels pour discuter les enjeux d’une telle transformation dont on rappelle qu’elle constitue l’un des derniers avatars mondiaux d’une politique monétaire gérée par l’ancienne puissance coloniale15. Peu d’intellectuels français ont, à notre connaissance, daigné s’emparer du problème au sein de l’espace public hexagonal. Qu’on s’en émeuve ou qu’on le déplore, ce désintérêt constitue un marqueur significatif de l’abandon de questions aussi cruciales touchant au continent africain par une large partie du champ intellectuel français. Nous précisons bien : certaines questions cruciales, qui touchent par exemple à l’économie, au droit, aux relations internationales, sont laissées de côté en raison de leur technicité, mais aussi de l’opacité qui les caractérise depuis les indépendances. Le matériau empirique permettant de se faire une idée claire du contenu des accords négociés et des acteurs qui le négocient est encore très peu accessible.

Rares sont les parlementaires à avoir interpellé le gouvernement des éventuelles « anomalies » du système de la zone franc16. Les réponses apportées sont invariablement les mêmes d’un point de vue juridique : loin d’être une monnaie imposée, le franc CFA résulte d’accords librement signés entre États souverains. Très classique, ce dernier argument n’en reste pas moins efficace, il faut le reconnaître, afin de disqualifier les éventuelles critiques adressées à la zone franc. Or, que vaut la liberté d’un État quand on sait que, depuis les indépendances, le pouvoir politique français n’a cessé de s’immiscer au gré de ses intérêts dans les affaires politiques de ses anciennes colonies17 ?

Dans le domaine du droit et des relations internationales, nombre d’auteurs ont suggéré des lectures alternatives prenant au sérieux le point de vue des Sud. La thèse de Siba Grovogui18 fut par exemple l’une des premières à proposer sous cet angle une critique du droit et des relations internationales : est-il possible pour les États du Sud, en particulier africains, d’affirmer leur autodétermination en ayant recours au langage et catégories d’un droit international qui fut complice de leur propre asservissement ? Telle est en substance la proposition forte, appuyée sur des travaux empiriques — en l’occurrence l’analyse de la décolonisation en Namibie. Selon Grovogui, il y a quelque difficulté à pouvoir envisager la souveraineté économique des pays d’Afrique de l’Ouest dans les mêmes schémas de pensée que les instruments internationaux mis en œuvre par les anciennes métropoles. Partant de cette perspective, l’on peut interroger la légitimité d’un système politico-monétaire initié dès 1945, au moment où la France négociait dans les enceintes internationales pour le compte de son empire. De la même manière, les indépendances furent elles aussi« octroyées » — dans la plupart des ex-colonies françaises au sud du Sahara — par la métropole : cela pose la question sur les termes de la souveraineté économique des États post coloniaux19.

S’engager dans une telle lecture, on le voit, implique de repenser le concept même de souveraineté utilisé par le droit international classique. C’est encore admettre qu’en matière économique et monétaire, les États africains francophones n’ont pour l’heure acquis aucune autonomie véritable. Ainsi, il est tout à fait possible de partir de l’hypothèse juridique selon laquelle la « zone franc » ne constitue qu’un prolongement de l’influence de l’ancienne métropole en Afrique. Pour le dire encore autrement, l’ancienne métropole et les élites africaines qui lui sont fidèles ont mis en œuvre un dispositif institutionnel par lequel les États africains francophones ont renoncé à exercer leur souveraineté monétaire au détriment de leurs peuples. Soutenir une thèse aussi forte implique de rompre avec une certaine lecture dominante pour entreprendre dans une véritable généalogie critique de la zone franc et, plus largement, celle des espaces économiques contemporains qui lui servent d’appui tels que l’UEMOA. C’est ce système de domination qui se perpétue depuis lors. Il s’est maintenu, en dépit des multiples formes de résistance qui lui furent opposées dès les années soixante-dix, lors de la dévaluation du franc CFA imposée par Paris en 1994 et lors de l’adhésion de la France à l’Union européenne. Appliquées au franc CFA, les « vieilles » grilles de lecture issues des théories de la dépendance proposées par Amin ou Furtado rejoignent tout un courant critique qui se développe au sein des études juridiques nord-américaines à l’encontre du droit et de l’économie du développement depuis plusieurs années20. S’il fallait encore s’en convaincre, le franc CFA soulève, sur le terrain juridique, des enjeux redoutables qu’il nous faut rapidement évoquer en partant de deux affaires importantes, suffisamment rares pour être examinées. C’est peu dire que le matériau empirique disponible (archives, traités, règlements, infra-droit, etc.) émanant tant de la BCEAO que de la BEAC est encore rare.

2. Aliénation postcoloniale, l’arrêt Zakari Boukari

Le premier cas concerne un contentieux jugé par la Cour constitutionnelle de la République du Bénin. Frontalier du Nigéria, l’importance des échanges avec ce dernier pays n’est plus à démontrer, y compris dans le domaine financier et monétaire. En 2014, la Cour constitutionnelle du Bénin est saisie d’un recours par Monsieur Mouphtaou Boukari Zakari, président de l’Association des consommateurs des produits d’assurance et des institutions financières du Bénin21. Le recours vise à faire reconnaître par la Cour constitutionnelle, l’inconstitutionnalité de l’usage du franc CFA au regard de l’article 3 de la Constitution du 11 décembre 1990. L’argument invoqué par Boukari Zakari est aussi simple que redoutable. Puisque la souveraineté monétaire relève d’une compétence régalienne et puisque l’article 3 de la Constitution béninoise dispose que « la souveraineté nationale appartient au peuple (…) elle s’exerce conformément à la Constitution », les accords monétaires relatifs à la mise en œuvre du franc CFA sont inconstitutionnels. Dans le même ordre d’idée, Zakari Boukari soutient que l’intervention du Parlement est nécessaire afin de ratifier l’adoption des traités dans les domaines économiques et financiers (articles 145 et 148 de la Constitution du 11 décembre 1990). Zakari Boukari soutient devant la Cour qu’il n’est possible pour aucun pays européen, à commencer par la France, de mettre en œuvre un changement de monnaie sans consulter au préalable le Parlement et procéder à une consultation populaire. C’est, au reste, très exactement ce qui s’est passé en France s’agissant de l’adoption de l’euro : non seulement un référendum fut mis en place, mais le Conseil constitutionnel s’est aussi prononcé en vue de son adoption22.

La Cour constitutionnelle du Bénin a pourtant écarté le recours de Zakari Boukari de manière assez lapidaire. Les juges rejettent les arguments avancés au motif que Dahomey devenu par la suite Bénin a « librement » consenti à la signature des accords monétaires signés avec la France. Lesdits accords ont été «régulièrement ratifiés par le Président de la République sur autorisation expresse du Parlement composé des représentants du peuple souverain habilités à exercer en son nom, la souveraineté nationale23. » Pour la Cour, lefranc CFA constitue par conséquent la monnaie légale de la République du Bénin. Le raisonnement proposé dans cette affaire interroge. Voilà un pays, indépendant depuis le 1er août 1960 et qui, depuis 1990, a tourné le dos à une dictature marxiste pour adhérer à un système démocratique. Si l’on s’en tient à des arguments purement formels, on aurait pu attendre de la Cour constitutionnelle — dont les prérogatives, rappelons-le, sont similaires à celles de la Cour constitutionnelle allemande en vertu de la Constitution du 11 décembre 1990 — qu’elle examine avec plus de précautions le recours de Zakari Boukari. Car tout se passe finalement comme si rien n’avait changé entre 1961 et 2014. Au fond, les juges raisonnent en faisant abstraction du changement temporel de Constitution opéré en 1990 et conséquences sur l’adoption des traités antérieurs, ratifiés en matière monétaire. Tout juriste sait pourtant qu’un changement de Constitution emporte des modifications importantes dans le fonctionnement même des systèmes juridiques. L’arrêt rendu par la Cour ne cherche pas à confronter l’article 3 sur la souveraineté avec les ratifications antérieures mises en œuvre après la colonisation. Pour qu’une telle confrontation puisse avoir lieu, une norme contraire de niveau constitutionnel doit prévaloir sur les normes antérieures (en l’occurrence sur les accords monétaires adoptés en 1961 par le Dahomey et reconduits par la suite). Or les juges ne se saisissent nullement de cette dernière possibilité dans l’affaire Zakari Boukari. Ils raisonnent comme si les engagements internationaux pris par le Dahomey puis le Bénin s’inscrivaient dans une même continuité juridique. S’y ajoute un autre écueil que l’on ne peut que brièvement évoquer ici : en intégrant dans son ordre juridique interne la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, la Constitution du 11 décembre 1990 contraint les juges à confronter cet instrument aux accords ratifiés en matière monétaire. Si cette interprétation est valide, elle nécessite de confronter lesdits accords monétaires sur le franc CFA à la Charte et à son préambule qui réaffirment non seulement l’élimination, sous toutes ses formes, du colonialisme, mais aussi le droit à un développement économique libre (articles 20, 21, 22 de la Charte). L’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle du Bénin n’emprunte pas cette voie24 : pour les juges béninois, la discontinuité des régimes politiques n’affecte en rien la continuité de la zone franc.

Cette affaire est particulièrement éclairante. Elle illustre parfaitement l’impensé de la domination néocoloniale qui imprègne largement les systèmes juridiques contemporains d’Afrique francophone. Pour un pays comme le Bénin qui s’est longtemps présenté comme un modèle vertueux et « progressiste » en matière de démocratie, cet arrêt soulève une question importante : que peut bien valoir une « démocratie » sans l’affirmation d’une souveraineté monétaire ou souveraineté tout court ?

3.  La reconnaissance indirecte par le Conseil d’État français de la tutelle de la France sur les institutions monétaires d’Afrique francophone, l’affaire Maliko

Une autre affaire jugée, cette fois-ci, par le Conseil d’État français et passée inaperçue de la plupart des commentateurs, mérite elle aussi de s’y attarder25. Un ressortissant centrafricain, Rufin Maliko a introduit une demande de naturalisation sur l’un des fondements de l’article 21-16 du Code civil, en l’occurrence la naturalisation par voie de décret. La procédure de naturalisation obéit au critère minimal de résidence ou critère dit de « stage » fixé à l’article 21-17 du Code civil, à charge pour l’autorité administrative d’apprécier les fondements juridiques apportés au soutien de la demande de naturalisation du requérant. Initialement, Rufin Maliko demande le bénéfice d’une assimilation au regard de l’article 21-24 du Code civil qui dispose :

« Nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue, de l’histoire, de la culture et de la société françaises, dont le niveau et les modalités d’évaluation sont fixés par décret en Conseil d’État, et des droits et devoirs conférés par la nationalité française ainsi que par l’adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République. À l’issue du contrôle de son assimilation, l’intéressé signe la charte des droits et devoirs du citoyen français. Cette charte, approuvée par décret en Conseil d’État, rappelle les principes, valeurs et symboles essentiels de la République française ».

Ce bénéfice lui est refusé en 2009, au motif qu’il ne remplit pas la condition de « stage » : fonctionnaire BEAC dont le siège se situe à Yaoundé au Cameroun, l’administration opposait à Monsieur Maliko le fait que sa famille résidait à l’étranger. Par conséquent, la demande de naturalisation n’est pas conforme à l’interprétation de l’article 21-27 du Code civil selon laquelle : « l’étranger doit fixer de manière stable le centre de ses intérêts matériels et de ses liens familiaux ». Saisi d’un recours introduit par Rufin Maliko, le tribunal administratif de Nantes annule la décision de l’administration. Pour les juges, Monsieur Maliko remplissait bien les conditions fixées, non par l’article 21-24 initialement invoqué par le requérant, mais par l’article 21-26, 1° (qui déroge au critère de résidence sous certaines conditions) : entre autres, lorsqu’une activité présente un intérêt particulier pour l’économie ou la culture française26. Le Tribunal en déduit que Monsieur Maliko peut bénéficier d’une procédure de naturalisation par voie de décret.

Ce jugement est cassé en appel. À la différence de l’appréciation du tribunal, la cour administrative d’appel de Nantes propose une interprétation beaucoup plus stricte de l’article 21-26 en considérant que même si Monsieur Maliko résidait au Cameroun, avait étudié en France, était titulaire d’une carte de résident, il ne satisfaisait pas le critère de résidence nécessaire à sa demande de naturalisation. De même, le fait que Monsieur Maliko soit considéré comme agent de la BEAC ne justifie pas l’application de l’article 21-26 selon lequel la profession qu’il exercerait présente un intérêt particulier pour l’économie française.

Saisi d’un recours en cassation, le Conseil d’État casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel. En jugeant que l’activité exercée par Monsieur Maliko ne présente aucun intérêt particulier pour l’économie française, la cour aurait commis une erreur de droit. S’écartant quelque peu du contrôle habituel de cassation reposant sur l’appréciation exclusive de l’erreur de droit, le rapporteur public, suivi par la formation de jugement, requalifie les faits d’espèce, en estimant que Monsieur Maliko exerce bien une « profession présentant un intérêt économique particulier pour la France ». Pour le Conseil d’État :

« la BEAC est un établissement public international africain qui met en œuvre la coopération monétaire entre laFrance et les cinq pays de l’Afrique Centrale (sic) le Cameroun, le Centrafrique, le Congo, le Gabon et le Tchad 27 dans lesquels le franc CFA est en vigueur. La coopération est fondée sur une convention de coopération monétaire conclue le 23 novembre 1972. Elle se traduit par le fait que la France garantissait la convertibilité du franc CFA avec le franc, et désormais avec l’euro, et par le dépôt par la BEAC d’un fonds de réserve à la Banque de France constitué par les apports des banques centrales nationales en application d’“une convention de compte d’opération de la BEAC” signée le 13 mars 1973 et reconduite en 2007 […] la France dispose de deux administrateurs sur 15 au conseil d’administration de la BEAC et […] est présente dans les autres organes de la banque, ayant également deux représentants au sein du comité de politique monétaire et nommant un des membres du collège des censeurs28. »

Aussi, les liens particuliers qui unissent les pays francophones d’Afrique centrale en matière économique et monétaire justifient-ils l’application de la condition fixée par l’article 21-26 comme satisfaisante. En d’autres mots, les juges administratifs raisonnent dans cette affaire comme si Monsieur Maliko travaillait pour le compte de l’État français.

4.  En guise de conclusion provisoire

On mesure à travers ces deux affaires suffisamment rares s’agissant du franc CFA, que la question de la souveraineté monétaire des pays d’Afrique francophones constitue jusqu’à présent, un sujet politique et juridique redoutable. Il ne s’agit nullement de problèmes démodés, ainsi que le renseigne l’aspect du droit positif évoqué jusqu’à présent. Force est ensuite de constater dans les deux cas l’embarras des juges. D’un côté, face aux moyens présentés dans l’affaire Zakari Boukari, la validité des accords monétaires est appréciée à partir d’une temporalité coloniale. De son côté, le juge administratif français reconnaît indirectement la naturalisation de Rufin Maliko par le moyen de son rattachement à la BEAC comme si, là encore, il fallait considérer ledit établissement comme une annexe contrôlée par l’ancienne métropole. Les intentions et discours les plus beaux ne peuvent, d’un revers de la main, faire disparaître l’inertie des institutions qu’elles prétendent réformer. Le sommet Afrique-France qui se déroulera à Montpellier en ce mois d’octobre 2021 n’échappe nullement à cette logique cruelle démentie par les sciences sociales. Les recherches critiques sur le franc CFA et plus largement la zone franc n’en sont qu’à leur balbutiement. Il serait beaucoup trop long d’expliquer les causes d’une telle indigence. Contentons-nous de formuler l’hypothèse selon laquelle le champ des sciences sociales en Afrique francophone demeure largement encastré dans celui de l’ancienne métropole. La question ici n’est pas de repartir de « zéro », elle est plutôt de comprendre et rendre compte des formes de domination et d’aliénation qui, jusqu’aujourd’hui, empêchent la possibilité d’un débat mature reposant sur des arguments empiriques vérifiés, loin des concepts ou discours creux. Dans un article déjà ancien, Issa Shijvi assignait aux juristes du Sud la tâche de révéler la substance véritable qui se dissimule derrière les formes juridiques et qui aboutit généralement à perpétuer les relations de domination héritées de la période coloniale. C’est au prix d’un tel travail technique, critique et patient accompagné de solutions crédibles qu’il sera possible de sortir d’une domination intellectuelle néo-impériale29.

On se risquera pour finir à faire quelques propositions. Le débat sur le CFA ne peut se résumer dans l’opposition stérile entre pro et anti ; la question préalable est ailleurs : elle est celle de savoir ce qui justifierait le maintien d’un tel système en l’état. D’un point de vue juridique, on ne peut répondre à cette question sans avoir une vision claire de l’objet étudié ; à notre connaissance, il n’existe quasiment aucun travail de référence en la matière. Il y a par conséquent tout un effort de transparence administrative à initier afin que les chercheurs soient à même de rendre compte du dispositif actuel de manière exhaustive. C’est à partir de ces travaux qu’il sera possible d’alimenter un débat public et de proposer aux peuples africains des alternatives crédibles. De plus,un travail de mise en cohérence s’impose, notamment à l’égard de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples en sorte qu’il apparaît urgent d’interroger le dispositif actuel sur le franc CFA à l’aune des principales dispositions de la Charte.

Notes

  1. Je remercie Ndongo Samba Sylla, Claire Mongouachon, Véronique Champeil-Desplats et Patricia Rrapi pour les critiques adressées à ce texte.
  2. Le franc CFA — originellement franc des colonies françaises d’Afrique — a été créé à en 1945, en même temps que le franc des colonies françaises du pacifique, par le décret n° 45-0136 du 25 décembre 1945, fixant la valeur de certaines monnaies des territoires d’outre-mer libellées en francs.
  3. On se gardera de confondre l’UMOA ayant une compétence monétaire avec l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) créé en 1994, après la dévaluation du Franc CFA. Les deux organisations sous-régionales sont pourtant liées, dans la mesure où les dispositions du traité UMOA s’appliquent aux pays de l’UEMOA. La création de l’UEMOA fait suite à plusieurs tentatives dont le Conseil de l’entente en 1959 puis la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest créée en même temps que l’accord monétaire de 1973.
  4. Kouassi KOUAMÉ, « Est-ce au parlement français d’acter la fin du franc CFA ? », Financial Afrik, 21 mai 2020.
  5. Frederick COOPER, Français et Africains ? Être citoyen au temps de la décolonisation, Paris, Payot, 2014 (trad. C. Jeanmougin), p. 342-385, [en ligne], https://journals.openedition.org/lectures/16764 [Dernière consultation le 2 octobre 2021].
  6. Voir Titre XII de la constitution du 4 octobre 1958.
  7. Intervention de M. E. Bonnefous, JO débats Sénat du 19 mai 1960, p. 228.
  8. L’article 78 de la constitution du 4 octobre 1958 disposait à ce titre : « Le domaine de la compétence de la Communauté comprend la politique étrangère, la défense, la monnaie, la politique économique et financière commune ainsi que la politique des matières premières stratégiques. Il comprend en outre, sauf accord particulier, le contrôle de la justice, l’enseignement supérieur, l’organisation générale des transports extérieurs et communs et des télécommunications. Des accords particuliers peuvent créer d’autres compétences communes ou régler tout transfert de compétence de la Communauté à l’un de ses membres ». Sur les mécanismes de la Communauté : voir François BORELLA, « L’évolution de la Communauté en 1960 : de la Communauté constitutionnelle à la Communauté conventionnelle », Annuaire français de droit international, vol. 6, 1960, p. [en ligne], 925-952, https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1960_num_6_1_941 [Dernière consultation le 29 septembre 2021].
  9. René de LACHARRIÈRE, « L’évolution de la Communauté franco-africaine », Annuaire français de droit international, 1960, vol. 6, p. 9-40, [en ligne], https://www.persee.fr/doc/afdi_00663085_1960_num_6_1_894 [Dernière consultation le 29 septembre 2021]; Pierre François GONIDEC, Droit d’outre-mer,2 Tomes, Montchrestien, Paris, 1960 et Les droits africains : évolutions et sources, LGDJ, Paris, 1968 ; Georges FISCHER, « La décolonisation et le rôle des traités et des constitutions », Annuaire français de droit international, 1962, vol. 8, p. 805-836, [en ligne], https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1962_num_8_1_1005 [Dernière consultation le 29 septembre 2021]; Jean FOYER, « Les destinées du droit français en Afrique » in, Rec. Penant, n° 690, 1er trim. 1962, p. 1-6 ; Jean-Claude GAUTRON, « Sur quelques aspects de la succession d’États au Sénégal », Annuaire français de droit international, 1962, vol. 8, p. 836-863, [en ligne], https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1962_num_8_1_1006 [Dernière consultation le 29 septembre 2021]; PierreLAMPUÉ, Les constitutions des États africains d’expression française, LGDJ, Paris, 1962 et Droit d’outre-mer et de la coopération, Dalloz, 4e éd., Paris, 1969 ; Dimitri-Georges LAVROFF, Georges PEISER (dir.), Les constitutions africaines, Pedone, Paris, 1961-1964 (3 vol.) ; François LUCHAIRE, Droit d’outre-mer et de la coopération, PUF, Paris, 1966.
  10. Ce que l’on appelle Mali comprend alors la réunion du Sénégal et du Mali (éphémère communauté du Soudan) ; le Sénégal fera défection à la communauté du Soudan dès le 20 août 1960.
  11. Le propos est ici simplifié. Les accords de transfert soulevaient en effet des questions délicates de compatibilité avec l’article 78 et 85 du titre XII. Les questions étaient les suivantes : 1) fallait-il parler de transfert alors même que l’article 78 posait des compétences communes entre la métropole et ses anciennes colonies ? 2) parce qu’il dépassait la compétence du pouvoir exécutif, ledit transfert de compétences prévu à l’article 78 nécessitait pour être valide, une révision constitutionnelle. Ce fut tout l’objet de la validation mise en œuvre par la loi du 4 juin 1960 (loi constitutionnelle n°60-525 du 4 juin 1960 adoptée par le Parlement et le Sénat de la Communauté).
  12. La réglementation douanière donnera lieu lors de l’adhésion de la France à la CEE aux accords dits ACP-CEE; le volet concernant les matières premières stratégiques prévoit par exemple dans sa version initiale : « Les accords fournissent donc l›énumération des matières premières et produits réputés stratégiques (hydrocarbures liquides et gazeux, uranium, thorium, lithium, béryllium, hélium, leurs minerais et composés). Ils prévoient une information mutuelle et des consultations sur la « politique » suivie à l›égard de ces matières. Si les intérêts de la défense l›exigent, l›exportation vers d›autres pays que laFrance en sera limitée ou interdite. En dehors des hydrocarbures, leur vente va par priorité aux autres États de la Communauté et inversement ceux-ci approvisionnent par priorité dans la Communauté »; voir René de LACHARRIÈRE, op. cit., p. 35-36.
  13. Les principaux éléments du dossier législatif, tous consultables en ligne, sont les suivants : Projet de loi n°2986 autorisant l’approbation de l’accord de coopération entre la République française et les gouvernements des États membres de l’Union monétaire ouest-africaine du 22 mai 2020 ; rapport n°2602 présenté par monsieur F. Mbaye au nom de la Commission des affaires étrangères sur le projet de loi autorisant la ratification de l’accord de coopération entre les gouvernements de la République française et les gouvernements des États membres de l’Union monétaire ouest-africaine du 22 nov. 20220 ; rapport de monsieur J. Bascher présenté au Sénat autorisant l’approbation de l’accord de coopération entre le gouvernement de la République française et les gouvernements des États membres de l’Union monétaire ouest-africaine du 20 janv. 2021. Le projet de loi sera adopté par le parlement le 28 janvier 2021.
  14. Projet adopté sur le fondement de l’article 39 de la constitution qui suppose donc qu’un avis du Conseil d’État (non-publié) a été adopté sur le sujet.
  15. Fanny PIGEAUD, Ndongo Samba SYLLA, L’arme invisible de la Françafrique. Une histoire du Franc CFA, Paris, La découverte, coll. « Cahiers Libres », 2018.
  16. Par ex., question écrite de François Asensi, 14e législature, n°87150 posée : http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-87150QE.htm (à laquelle il ne fut adressée aucune réponse) ; question écrite de Christine Prunaud, 15e législature, n°03375 posée : [en ligne], https://www.senat.fr/questions/base/2018/qSEQ180203375.html [Dernière consultation le 29 septembre 2021].
  17. Fanny PIGEAUD, Ndongo Samba SYLLA, op. cit., p.63-95.
  18. Siba N’Zatioula GROVOGUI, Sovereigns, Quasi Sovereigns and Africans. Race and Self determination in International Law, University of MinnesotaPress, Minnesota, 1996, coll. « Bordelines », vol. 3. Ce travail s’inscrit dans la continuité d’ouvrages comme : Mohamed BEDJAOUI, Pour un nouvel ordre économique international,UNESCO, Paris, 1979 ; Earle E. SEATON, Sosthenes T. MALITI, Tanzania Treaty Practice, Oxford University Press, New York & Oxford, 1974.
  19. Amy NIANG, « The International » in, Arlene B. TICKNER, Karen SMITH ed., International Relations from the Global South. Worlds of Difference, Routledge, 2020, p.97-114.
  20. Par ex: David TRUBECK and Alvaro SANTOS The New Law and Economic Development. A Critical Appraisal, Cambridge, Cambridge University Press, 2006 ; voir plus récemment : Katharina PISTOR, The Code of Capital. How the Law creates Wealth and Inequalities, Princeton, Princeton University Press, 2020. Mais on pourrait aussi y ajouter les récents travaux en droit économique, sur le capitalisme racial (racial capitalism) compris ici comme un processus d’accumulation et de dépossession articulé autour de l’assignation raciale, en l’occurrence ici de l’impensé selon lequel l’Afrique francophone constituerait un espace de réserves en matières premières et un marché orientés principalement vers les intérêts de l’ancienne métropole. On retrouve les vieilles idées économiques coloniales de protectionnisme et d’étatisme : Destin JENKINS and Justin LEROY, « The Old History of Capitalism » in, Destin JENKINS and Justin LEROY ed., Histories of Racial Capitalism, New York, Columbia University Press, 2020, p. 1-26. Pour un aperçu historiographique de l’économie coloniale française : Pierre SINGARAVÉLOU, « L’empire des économistes. L’enseignement de “l’économie coloniale” sous la IIIe République », Publications de la Société française d’histoire des outre-mers, 2006, vol. 6, p. 135-148, [en ligne], https://www.persee.fr/doc/sfhom_0000-0002_2008_ant_6_1_1074 [Dernière consultation le 29 septembre 2021]. Pour une relecture critique des thèses selon lesquelles l’Empire colonial constituait pour la métropole un poids financier, on renvoie aussi aux travaux de Elise Huillery, notamment sa thèse de doctorat : Elise HUILLERY, « Histoire coloniale : développements et inégalités dans l’ancienne Afrique occidentale française », Thèse,EHESS, 2008.
  21. Cour constitutionnelle du Bénin, décision n° DCC 14-170 du 11 sept. 2014, Zakari Boukari, 0926/067/REC.
  22. Conseil constitutionnel, Décision n°92-308 DC (Traité de Maastricht) du 9 avr. 1992 § 13 et 14 : « Considérant qu’il résulte de ces textes de valeur constitutionnelle que le respect de la souveraineté nationale ne fait pas obstacle à ce que, sur le fondement des dispositions précitées du préambule de la Constitution de 1946, la France puisse conclure, sous réserve de réciprocité, des engagements internationaux en vue de participer à la création ou au développement d’une organisation internationale permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l’effet de transferts de compétences consentis par les États membres ; Considérant toutefois qu’au cas où des engagements internationaux souscrits à cette fin contiennent une clause contraire à la Constitution ou portent atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale, l’autorisation de les ratifier appelle une révision constitutionnelle (…) ». Pour une approche encore plus protectrice de la souveraineté nationale et de droits fondamentaux au sein de l’Union européenne, on renvoie à la décision bien connue de la Cour constitutionnelle allemande rendue à propos du traité de Maastricht : BVerfGE 89, 155 Maastricht Bundesverfassungsgericht, 12 oct. 1993. On laisse ici volontairement de côté, les débats européens plus récents autour du rapport entre les Cours suprêmes européennes et la Cour de justice de l’Union européenne. Ce qui est important à retenir pour les besoins du propos est que, dans leur ensemble, les Cours suprêmes nationales maintiennent (à l’inverse de ce qui se passe pour le Franc CFA) même formellement, le « verrou » de la supériorité du droit constitutionnel sur le droit de l’Union européenne.
  23. Cour constitutionnelle du Bénin, décision n° DCC 14-170, op.cit., p. 8-9.
  24. Sans entrer à nouveau dans les subtilités techniques, il importe de rappeler l’incohérence du raisonnement de la Cour à ce sujet dans la mesure où la Constitution du 11 décembre 1990 repose sur un ordre juridique moniste (c’est-à-dire qu’elle intègre directement et sans transposition nécessaire dans son système juridique les dispositions de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples au regard de l’article 7 de la Constitution).
  25. CE, 2e et 7e sous-sections réunies, 26 déc. 2012, n°350198, Rufin Maliko, conclusions Mme B. Bourgeois-Machureau.
  26. « Est assimilé à la résidence en France lorsque cette résidence constitue une condition de l’acquisition de la nationalité française : 1° Le séjour hors de France d’un étranger qui exerce une activité professionnelle publique ou privée pour le compte de l’État français ou d’un organisme dont l’activité présente un intérêt particulier pour l’économie ou la culture française ».
  27. Le juge administratif oublie dans son énumération, de mentionner la Guinée Équatoriale qui rejoint la zone franc dès 1985.
  28. Conclusions Mme B. Bourgeois-Machureau, op.cit., p. 3-4 confirmé par l’arrêt définitif du CE : CE, 2e et 7e sous-sections réunies, 26 déc. 2012, n°350198 § 5 :« Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la BEAC, établissement public international africain, régi par la convention de l’union monétaire de l’Afrique Centrale (UMAC) et la convention monétaire passée entre la France et les États membres de cette union, émet la monnaie de l’UMAC, le franc de la coopération financière en Afrique Centrale (CFA), en garantit la stabilité et que la gestion et le contrôle de la BEAC sont notamment assurés par la représentation de la France au sein de cet organisme ; que l’activité de la BEAC, qui régit la coopération monétaire entre la France et cinq États d’Afrique centrale, présente un intérêt particulier pour l’économie française ; que, dans ces conditions, M. B…pouvait être regardé comme résidant en France au sens des dispositions de l’article 21­26 du code civil ; qu’ainsi, le ministre de l’intérieur ne pouvait déclarer irrecevable la demande de réintégration dans la nationalité française de M. B…par le motif qu’il a retenu ; qu’il n’est, par suite, pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 17 mars 2009 ».
  29. Issa G. SHIVJI, « The Tasks of a Lawyer-Intellectual » in, Issa G. SHIVJI, Intellectuals at the Hill. Essays and Talks (1969-1993), Dar es Salam, Dar es Salam University Press, 1996, p. 14-23.

Lionel Zevounou, “La souveraineté économique impossible : un point de vue juridique”, dans K. Lamko, A. Niang, N.S. Sylla, L. Zevounou (dir.), De Brazzaville À Montpellier. Regards critiques sur le néocolonialisme français. Collectif pour le Renouveau Africain – CORA Éditions, Dakar, 2021, pp.114-127. Lien URL : https://corafrika.org/chapitres/la-souverainete-economique-impossible-un-point-de-vue-juridique/