La circulation des langues africaines dans l’espace public africain

11 NOVEMBRE 2022

« Le développement par le Gouvernement dans une langue étrangère est impossible, à moins que le processus d’acculturation ne soit achevé, c’est là que le culturel rejoint l’économique.

Le socialisme par le Gouvernement dans une langue étrangère est une supercherie, c’est là que le culturel rejoint le social.

La démocratie par le Gouvernement dans une langue étrangère est un leurre, et c’est là que culturel rejoint le politique ».

Cheikh Anta Diop, Taxaw, n°6, 1977.

Ce webinaire porte sur la circulation des langues africaines dans l’espace public africain. Plus de soixante ans après leur accession aux indépendances, un constat s’impose : dans la plupart des pays du continent africain, les langues de travail utilisées dans les cercles du pouvoir, les administrations, les parlements, les institutions chargées de l’enseignement et de la production des savoirs restent largement celles héritées de l’administration coloniale européenne : anglais, français, espagnol ou portugais. Même si l’on estime que ces langues étrangères ne sont maîtrisées que par une minorité de la population, elles bénéficient néanmoins du statut de langues officielles et sont supposées régler la vie politique, juridique, culturelle et économique des pays en question. Quant aux langues africaines, très majoritairement parlées par les populations, elles sont, pour ainsi dire, reléguées à la marge : dans les rues, les marchés, les secteurs informels et les campagnes de l’Afrique profonde…

Comment envisager, dans ces conditions, un quelconque essor économique, social, culturel, intellectuel, etc. à l’échelle nationale si la grande majorité du peuple concerné ne maîtrise pas la langue dans laquelle se discutent les affaires importantes du pays ? N’y a-t-il pas un lien évident entre essor économique, social, culturel, intellectuel et la langue qui porte (ou non) cet élan ?

Fort heureusement, des exemples existent aussi sur le continent, où l’unité linguistique (autour du choix d’une langue nationale) est facteur de progrès : l’Éthiopie en est un exemple, de même que les pays du Maghreb et, dans une certaine mesure aussi, quelques pays d’Afrique orientale et australe : Tanzanie, Kenya, Ouganda, Rwanda, Burundi, Zambie. Dans ces derniers pays, la langue parlée par l’ensemble habitants est une langue africaine : le Kinyarwanda et le Kirundi pour le Rwanda et le Burundi et le Kiswahili pour les autres (Kenya, Tanzanie, Ouganda, Zambie).

Chacun des intervenants tentera de faire ressortir le lien qui existe, particulièrement dans le cas des pays africains entre langue nationale et émergence de la démocratie, de même qu’entre langue nationale et essor intellectuel, social, culturel et économique…

Boris Boubacar DIOP

Intervenant

Journaliste, romancier, essayiste et enseignant, Boris Boubacar Diop a été directeur de publication du quotidien indépendant sénégalais Le Matin. Il a également enseigné pendant quatre ans la langue Wolof à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (Sénégal) avant d’enseigner la littérature à l’American University of Nigeria (AUN). Il co-dirige à l’heure actuelle EJO, la maison d’édition en langues nationales fondée avec des amis à Dakar.

En avril 2019, Boubacar Boris Diop a été lauréat pour l’ensemble de son œuvre du prix Harold et Ethel L. Stellfox de l’université de Dickinson en Pennsylvanie. En octobre 2021, le Neustadt Prize for International Literature a été décerné à Murambi, le livre des ossements.

Il est également l’auteur entre autres de : Le temps de Tamango (1981), Les tambours de la mémoire (1990), Les traces de la meute (1993), Le cavalier et son ombre (Prix Tropiques, 1997). Ses romans en langue wolof comprennent : Doomi Golo (2003),  Bàmmeelu Kocc Barma (2017) et Malaanum lëndëm (2022).

Ramenga Mtaali OSOTSI

Intervenant

Ramenga Mtaali OSOTSI est titulaire d’une Maîtrise en Littérature de l’Université de Nairobi (Kenya) et d’un Doctorat en Folklore de l’Université d’Indiana à Bloomington (USA). Il est actuellement Professeur et Responsable Académique à l’Université de Technologie Dedan Kimathi (DeKUT) à Nyeri (Kenya). Avant de venir à DeKUT, il était Professeur Émérite au Département d’Anglais de l’université James Madison aux États-Unis où il a enseigné la Littérature africaine et mondiale. Avant cela, il avait été Maître de Conférences à l’Université Moi au Kenya.

Ses recherches portent essentiellement sur l’héritage ancien des peuples noirs et son rapport à la littérature et aux langues africaines contemporaines, la théorie de la littérature africaine, la littérature orale (Oraliture), la littérature classique africaine écrite, la littérature classique Kiswahili écrite. Ses principales publications en langue Kiswahili comprennent, entre autres :

  • Falme Khufu na Waganga wake (Le roi Khufu et ses magiciens), in Alain Kojele & Yoporeka Somet, Le roi Khufu et ses magiciens. Contes de l’Égypte ancienne, 2019
  • Hadithi ya Sanhat, Mkuu Moja wa Kemet, in Sanhat (Le récit de Sanhat, un Grand de Kemet), Multilingual translation of an ancient African hieroglyphic text, 2014.
  • Utendi wa Mwana Kupona: A Re-evaluation of a Waswahili Classic Poem, in Rose Ure Mezu (ed.), 2004.

Il a également traduit la Charte du Manden en Kiswahili sous le titre de Azimio la Mmande, en 2014

Aboubakar SANOGO

Intervenant

Aboubakar SANOGO est actuellement Maître de Conférences et responsable du second cycle à Carleton University. Il a obtenu sa Maîtrise et son Doctorat à l’École des Arts Cinématographiques de l’Université de Caroline du Sud (USC), à Los Angeles. Il a été nommé conjointement à l’Institute of African Studies (IAS), à l’Institute for Comparative Studies in Literature, Art and Culture (ICSLAC) et au Curatorial Studies Program. Il est actuellement superviseur des étudiants  diplômés du programme d’études cinématographiques.

L’activité du Professeur SANOGO se situe aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du milieu académique et cherche à intervenir dans ces deux espaces de manière à les transformer mutuellement. Cela implique la recherche, l’enseignement, la conservation de films, l’élaboration de politiques et le renforcement des institutions. Ses recherches portent sur les cinémas africains et afro-diasporiques, la théorie, l’histoire et la forme du film documentaire, les cinémas transnationaux et mondiaux, la préservation et la restauration des films, le cinéma colonial, le cinéma ancien et muet, ainsi que les études sur les festivals de cinéma. Il travaille actuellement sur deux manuscrits, The History of Documentary in Africa et The Indocile Image : The Cinema of Med Hondo, ainsi qu’à une collection sur le cinéma de Med Hondo.

Enfin, le professeur Aboubakar SANOGO est le fondateur du World Cinema Forum de l’Université Carleton et du festival annuel du film africain d’Ottawa (AFFO). Il est également le secrétaire régional pour l’Amérique du Nord de la Fédération Panafricaine des Cinéastes (FEPACI), la plus importante organisation de cinéastes d’Afrique. À ce titre, il travaille actuellement sur le projet African Film Heritage Project (AFHP), un partenariat entre la FEPACI, la Fondation Martin Scorsese pour le cinéma et l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO), qui vise à préserver et à restaurer 50 films africains d’importance historique, culturelle et artistique.

Moses Munyao KILOLO

Intervenant

Munyao KILOLO est le fondateur et l’éditeur en chef d’Ituĩka, une plateforme littéraire consacrée aux langues africaines et à la traduction de textes. Il travaille également comme chef de projet auprès de la Fondation Ngugui wa Thiong’o et comme directeur du Prix Safal-Cornell en Kiswahili. Chacun de ces deux projets est totalement dédié aux langues africaines.

Il a été auparavant rédacteur en chef de Jalada Africa, où il a conceptualisé et dirigé leur premier projet de traduction. Dans le cadre de ce projet, une histoire, initialement écrite en Gikuyu, a été traduite en 100 langues.

Ses écrits dans sa langue maternelle, le Kiikamba, ont été publiés dans le numéro 26 de la revue Absinthe, sous le titre de Littéraire Mondiale en Traduction.

Yoporeka SOMET

Modérateur

Yoporeka SOMET est philosophe et égyptologue. Il est actuellement Associate Professor à Dedan Kimathi University of Technology et Directeur du Centre for African Renaissance Studies au sein de cette université.

Membre du comité de rédaction de la revue Ankh, revue d’égyptologie et des civilisations africaines, il est auteur de plusieurs articles et ouvrages dont notamment :

  • L’Afrique dans la philosophie – Introduction à la philosophie africaine pharaonique (Khepera 2005 ; Présence Africaine, 2019) 
  • Cours d’initiation à la langue égyptienne pharaonique (Khepera & Presses Universitaires de Dakar, 2007 ; Teham Édition, 2019)
  • Anthony William Amo : sa vie et son œuvre, Teham Éditions, 2016
  • L’Égypte ancienne : un système africain du monde, Teham Éditions, 2018
  • Le roi Khoufou et ses magiciens, Teham Éditions, 2019.

Il a également contribué, avec notamment Ayi Kwei Armah et le groupe SHMSW BAK à la traduction et publication dans de nombreuses langues africaines de textes originaux de l’ancienne Égypte, à Per Ankh Publishers (Popenguine, Sénégal).

Ses recherches s’orientent principalement vers une meilleure connaissance du legs de l’Égypte ancienne à travers sa langue, sa philosophie, sa littérature, ses mythes, sa religion, son système de valeurs, son organisation socio-politique, sa culture matérielle, etc., et leur réappropriation dans le contexte culturel africain contemporain.