Mali, les sanctions de la CEDEAO sont illégales

Par Lionel Zevounou

Depuis près de dix ans, le territoire malien est divisé entre plusieurs groupes armés djihadistes, nationalistes, etc. impliqués dans un conflit multidimensionnel. La rudesse des échanges récents entre la République du Mali et la CEDEAO — mais aussi la communauté internationale — est liée, de près ou de loin, au choix du gouvernement malien de faire appel à la Russie afin de suppléer progressivement la présence militaire française et européenne (EUTM, MINUSMA) [2], mais surtout de la volonté de la junte au pouvoir de prolonger la transition. L’explication du raidissement lié à cette situation est multiple. Les causes tiennent, sans prétendre à l’exhaustivité, à la posture souverainiste de la junte au pouvoir, à l’inefficacité de la présence militaire française [3], à la persistance de l’insécurité, etc. [4].

Un regain de tension a eu lieu lorsque les autorités maliennes ont décidé d’expulser l’ambassadeur de France du Mali à la suite des propos du ministre français des Affaires étrangères, J-Y. Le Drian, qualifiant la junte « d’illégitime » et affirmant qu’elle était « hors de contrôle» [5] — chose extrêmement rare en Afrique francophone depuis la Guinée de Sékou Touré —. Cette expulsion a été précédée de celle du contingent danois intégré dans la Task force dite « Takuba », au motif tiré de l’illégalité de la présence des forces danoises sur le sol malien [6]. La Suède a, quant à elle, annoncé le retrait de ses effectifs de la Task force « Takuba »  pour mars 2022 [7]. La Norvège vient de renoncer à l’envoi de militaires au sein de ladite force, en raison du refus du gouvernement malien [8]. Le président français annonce, le 17 février, le retrait «gradué» de la force Barkhane et de ses alliés européens [9]. En réponse, le gouvernement malien demande le départ immédiat des soldats français. Le 3 mars, la France a rappelé l’ensemble des coopérants exerçant au sein de l’administration malienne. De toute évidence, un rapport de force durable s’est instauré entre la France et le Mali dans un contexte de défiance d’une partie de l’opinion publique africaine à l’égard de la présence militaire française en Afrique. Les uns invoquent la souveraineté nationale, pendant que les autres appellent le Mali au respect de ses obligations internationales et sous-régionales et à la restauration de l’«ordre constitutionnel ».

Derrière ces discours se dissimulent, à l’évidence, des intérêts divergents. Nul n’ignore, pour le dire vite, l’enjeu stratégique que représente le Mali pour le contrôle de la gestion des flux migratoires européens [10] ; et personne n’est assez naïf pour croire que les militaires au pouvoir, aussi nationalistes soient-ils, ne concèderont pas aux nouvelles puissances étrangères russes convoquées sur le territoire malien un certain nombre de prérogatives futures [11]. Ce qui apparaît en revanche inédit, c’est bien la manière décomplexée avec laquelle les autorités maliennes ont décidé de tourner la page des relations militaires eurafricaines dans un contexte où la force Barkhane était de plus en plus perçue par la population comme une force d’occupation [12].

Plusieurs couches d’analyse se superposent. Il y a d’abord un enchevêtrement d’accords internationaux justifiant sur le plan juridique une assise à la présence militaire française puis européenne sur le sol malien [13] ; s’y ajoutent, — les médias en parlent peu —, plusieurs décisions rendues par la Cour constitutionnelle malienne, notamment celle du 29 mai 2021 validant la direction du Conseil National de Transition (ci-après CNT) menée par le colonel Assimi Goïta, président, et Choguel Maïga, Premier ministre. Enfin, au plan régional, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est illustrée par un train de sanctions infligées à l’encontre de l’État malien. On ne peut que relever l’absence de données claires, de part et d’autre, quant au contenu des accords dénoncés.

L’objectif de ce texte est de discuter la rationalité juridique des sanctions prises ces derniers mois par la CEDEAO [14]. Une justification de ces sanctions a été apportée en ces termes : « Les gouvernements du G5 Sahel peuvent difficilement cautionner un coup d’État en son sein, d’autant plus que tous craignent d’en être victimes (…) l’organisation régionale qui est considérée comme la plus légitime pour intervenir dans les affaires intérieures et aider au retour de la stabilité politique du Mali dans le cadre d’institutions démocratiques est la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest » [15]. Déjà, lors du premier coup d’État du 18 août 2020 écartant feu le président Ibrahim Boubakar Keita du pouvoir, un train de sanctions avait été pris aboutissant à la fermeture des frontières des États de la CEDEAO limitrophes du Mali; les négociations ont débouché sur la mise en place d’un gouvernement civil de transition dirigé par Bah N’daw, devant mener au rétablissement de « l’ordre constitutionnel ». Un nouveau coup d’État est intervenu en mai 2021, conduisant à la situation actuelle. Au total, trois vagues de sanctions ont été infligées par la CEDEAO envers la République du Mali : août 2020, novembre 2021, janvier 2022.

L’examen de ces événements éclaire les transformations que connaît l’institution depuis plusieurs années. Le but initial du traité lié à l’intégration sous-régionale par le marché et la solidarité entre les États cède progressivement la place à une Communauté endossant le rôle de gendarme de la stabilité politique régionale. L’exercice de cette nouvelle fonction figurant dans le traité n’est pas sans risques — comme le montre l’exemple malien —, notamment lorsque la CEDEAO se place en porte-à-faux vis-à-vis de la légitimité populaire au soutien du pouvoir en place. Ce risque est d’autant plus accru quand il donne l’impression de rejoindre les intérêts de la «communauté internationale» — il faut comprendre ici occidentale. En Afrique de l’Ouest, la vague des coups d’État est liée à plusieurs facteurs comme la mauvaise gestion et la corruption des pouvoirs civils [16]. Elle place la CEDEAO face à un dilemme insoluble : soutenir les nouveaux pouvoirs militaires en place au risque de miner la légitimité d’action de la conférence des chefs d’État et de gouvernement ou condamner lesdits coups d’État soutenus par la rue (cas du Mali et du Burkina Faso) en se privant auprès des nouveaux pouvoirs en place de son autorité régionale liée au maintien de la paix. Il faut adjoindre à ce contexte régional une nouvelle rivalité internationale entre l’Occident, la Chine et la Russie autour du continent africain.

Crise politique malienne et « médiation » de la CEDEAO : une relecture à travers la jurisprudence de la Cour constitutionnelle du Mali

Huit mois avant le communiqué de la CEDEAO, la Cour constitutionnelle malienne rend un arrêt validant le processus de transition actuellement en contestation. De quoi s’agit-il ? Le 27 mai 2021, la Cour est saisie par le ministre, directeur de cabinet du vice-président de la transition de la lettre de démission du président de la transition, ainsi que du décret pris le 24 mai 2021, mettant fin aux fonctions du Premier ministre et des membres du gouvernement [17]. De toute évidence, l’objet de la saisine vise à se prononcer sur la légalité du changement constitutionnel opéré depuis l’institution des autorités de transition. La Cour constate dans un premier temps que les dispositions de la constitution malienne de février 1992 ne peuvent s’appliquer en l’espèce. Cette constitution prévoit, à l’image de la constitution française adoptée sous la Ve République, que la vacance de la présidence de la République ne peut être suppléée que par celle du président de l’Assemblée nationale [18]. Or, d’un point de vue matériel et dans la situation en cause, il n’existait pas de parlement. Comme on va le voir, la Cour s’était déjà prononcée sur ce vide juridique. Dans l’arrêt qui nous importe ici, la Cour valide la démission du président de la transition et juge conforme à la constitution son remplacement par le vice-président de la transition, en l’occurrence le colonel A. Goïta. C’est de cet arrêt qu’il faut partir pour comprendre les réactions de la CEDEAO. Et si l’on veut saisir le problème dans sa complexité juridique, un détour apparaît nécessaire.

Il faut se rappeler que, dès avril 2020, la même Cour constitutionnelle a invalidé une trentaine d’élections parlementaires, notamment dans plusieurs circonscriptions. Dit rapidement, la Cour juge dans cet arrêt de 77 pages particulièrement circonstancié et détaillé que les conditions dans lesquelles se sont déroulées la campagne et les élections législatives dans une trentaine de circonscriptions ne permettaient pas de valider l’élection des députés qui en sont issus [19]. Un recours en « rectification » de l’arrêt du 30 avril fut introduit par les candidats à la députation dont l’élection avait été invalidée par les juges. À nouveau, la Cour rejette les recours au motif que l’article 10 du règlement intérieur invoqué devant elle par les requérants portait sur les cas de rectification d’erreur matérielle qu’il ne fallait pas confondre avec l’erreur de droit. Pour le dire d’une manière plus simple, les requérants cherchaient à ce que la Cour revienne sur sa jurisprudence, en se fondant sur une interprétation contraire à sa décision antérieure [20]. La tension sociale était à son comble et plusieurs manifestations menées par le mouvement dit du 5 juin-RFP furent réprimées dans le sang, faisant plus d’une vingtaine de morts. Ce mouvement hétéroclite, composé de personnalités issues de la société civile, de responsables religieux et politiques exige, dans un communiqué adressé aux chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO, la démission du président I. B. Keita [21]. Le pouvoir exécutif et une partie de la classe politique font entendre un autre son de cloche : les revendications du mouvement du 5 juin-RFP sont instrumentalisées à l’encontre de la Cour constitutionnelle qui devient la cible d’attaques politiques virulentes. D’aucuns ont appelé à sa dissolution, voire à l’utilisation de l’article 50 de la Constitution de 1992 sur l’état d’urgence par le président de la République. En juillet 2020, I. B. Keita décide d’abroger les décrets de nomination d’un certain nombre de membres de la Cour constitutionnelle [22]. Les motifs de ce décret imputent cette procédure d’abrogation tant à l’opposition (mouvement du 5 juin) qu’à la contestation «par une partie de la classe politique et de la société civile» de la proclamation des résultats du second tour de l’élection législative du 19 avril 202023. Sans attendre l’adoption des décrets révoquant leur nomination, cinq juges de la Cour démissionnent [24].

Au cœur de la crise, le président I. B. Keita affirme vouloir se conformer aux recommandations de la mission de médiation de la CEDEAO proposant de mettre en place de nouvelles élections partielles dans les circonscriptions où les élections législatives avaient été invalidées par la Cour. Les recommandations de cette mission, conduite par le ministre des Affaires étrangères du Niger, K. Ankourao, font porter à la Cour l’entière responsabilité des troubles sociaux [25]. La mission en appelle à «reconsidérer les résultats issus des élections législatives » et à « envisager une relecture des textes régissant la Cour constitutionnelle» [26]. En juillet 2020, le président Keita constitue un gouvernement restreint, toujours contesté par la rue. La CEDEAO menace, elle aussi, d’infliger des sanctions à toutes celles et ceux qui ne se conformeraient pas à l’« ordre constitutionnel » en place [27]. On sait ce qu’il en advint : le 18 août 2020, le pouvoir du président I. B. Keita est renversé par un coup d’État militaire soutenu par la rue. Le lendemain, la CEDEAO annonce une série de sanctions économiques lourdes consistant dans le gel des avoirs du Mali, la fermeture des frontières, la suspension de la participation du pays aux décisions de la CEDEAO, la restriction des déplacements de plusieurs officiels maliens28. Ce premier train de sanctions est appuyé par la communauté internationale (Conseil de sécurité de l’ONU, Banque mondiale, UE, États-Unis). Les sanctions demandent le rétablissement du président I. B. Keita dans ses fonctions antérieures tout en saluant le décret abrogeant la nomination des juges constitutionnels maliens (point 9 de la déclaration).

En septembre 2020, un « compromis » [29] est trouvé à Accra, devant mener à l’instauration d’une transition civile ainsi qu’à la tenue de nouvelles élections sous 18 mois. Cette médiation est menée sur le fondement du protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance [30]. La levée de l’embargo, qui intervient le 5 octobre 202031, est conditionnée par l’instauration d’un comité national de transition à deux têtes ainsi que la nomination de civils à des postes politiques clés. Une charte de transition est adoptée le 12 septembre 2020 et promulguée le 1er octobre 202032. Elle est précédée de la nomination d’un civil, M. Ouane, au poste de Premier ministre le 27 septembre 2020. Elle prévoit une transition d’une durée de 18 mois.

Quelques explications apparaissent nécessaires quant au contenu de cette charte de transition. Une première version prévoyait que le vice-président de la transition (A. Goïta) pourrait remplacer, en cas d’empêchement, le président de la transition, B. N’daw. Cette version dans laquelle le vice-président pouvait potentiellement être amené à exercer de larges prérogatives en matière de défense, de sécurité et de réforme de l’État fut modifiée à Accra sous la pression des chefs d’État de la CEDEAO. Dès l’origine, des divergences et un manque de confiance apparaissent entre les officiels maliens et la CEDEAO. De nombreuses questions restent pendantes : le mandat de l’institution lui permet-il de s’immiscer à ce point dans les affaires régaliennes d’un État souverain [33]? D’abord en disqualifiant explicitement la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et en voulant maintenir l’ancien pouvoir contesté par la rue du président I. Keita, ensuite en imposant le choix d’acteurs politiques à des postes ministériels régaliens, enfin en exigeant la tenue d’un calendrier électoral pour 2022 ? À dire vrai, la frontière entre médiation et tutelle est franchie à plusieurs reprises sans que l’étendue juridique de la médiation engagée par la CEDEAO sur le fondement du protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance [34] soit interrogée. En réalité, et tout au long de cette affaire, les considérations politiques ont toujours pris le pas sur les questions juridiques.

Le 18 décembre 2020, la nouvelle Cour constitutionnelle se prononce sur la légalité de la charte de transition au regard de l’article 86 de la constitution de 1992. Sur le fond, la Cour juge illégal l’article 2 du règlement intérieur (lui-même déduit de l’article 13 de la charte) de la charte qui prévoit que «les membres du comité national de transition portent le titre de députés de la transition». L’arrêt substitue l’expression plus neutre de «membres du CNT». La raison en est simple : la qualité de député s’obtient par l’élection au suffrage universel, sans quoi on ne peut parler de pouvoir législatif. La Cour censure aussi la nomination des questeurs du nouvel organe législatif par voie de décret. Elle rappelle le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, tout en censurant plusieurs erreurs, imprécisions ou incohérences matérielles figurant dans la charte [35]. Le même jour, un décret instaure l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire national; sa durée est prolongée par une ordonnance du 30 décembre 2020 [36]. On reviendra, simplement pour le rappeler, sur les relations conflictuelles entre le Premier ministre et le président de la transition, d’un côté, et le vice-président, de l’autre. Cette méfiance réciproque empoisonne la première transition. Un second coup d’État intervient, ce faisant, le 24 mai 2021. Le 26 mai, B. N’daw et M. Ouane sont contraints de démissionner de leurs postes respectifs [37]. C’est dans ce contexte que la Cour constitutionnelle rend l’arrêt du 28 mai précité, dans lequel elle juge valide le remplacement au poste de président de la CNT par le vice-président, A. Goïta. Le raisonnement adopté à cet égard se fonde sur une lecture combinée des articles 7 et 8 de la charte de transition : «Le président de la transition est secondé par un vice-président. Il est désigné suivant les mêmes conditions que ce dernier (…) tout candidat aux fonctions de président et de vice-président peut être un civil ou militaire » [38].

Si l’on s’en tient à la lettre du texte, rien dans la charte ne vient contredire l’interprétation rendue par la Cour. Certes, l’accord politique avec la CEDEAO prévoyait que les fonctions de président et de vice-président ne pouvaient être interchangeables. Cela ne ressort pourtant pas des dispositions de la charte (le délai de 18 mois issu du «compromis» d’Accra n’étant pas remis en cause par la Cour). Faut-il y voir une forme de cynisme, d’incompétence — de la part des rédacteurs de la charte — ou de réalisme des juges ? On penche pour la dernière branche de l’alternative, dans la mesure où, comme le mentionne l’arrêt, le second coup d’État plaçait les institutions de la République malienne dans un vide juridique nuisible à terme à la stabilité du pays. S’y ajoute le fait que la charte de transition ne comporte aucune transposition de « l’accord » politique de la CEDEAO dont il faut rappeler que les dispositions ne sont pas directement applicables dans les ordres juridiques nationaux. Les contraintes de la Cour sont par conséquent très fortes. Elle ne peut prendre le risque d’entériner la vacuité du pouvoir sans une nouvelle contestation populaire; elle ne peut davantage donner force juridique aux recommandations politiques formulées par la CEDEAO dont les termes ne figurent pas dans la charte qui lui est donnée d’interpréter. Le choix des juges apparaît dans ces conditions pragmatique : il prend acte de la « légitimité » [39] du colonel A. Goïta et du mouvement du 5 juin-RFP l’ayant conduit au pouvoir. Il ne s’agit nullement pour la Cour d’attribuer aux nouvelles autorités un blanc-seing, dans la mesure où elle considère (s’agissant par exemple du régime juridique des députés) que les autorités de transition ne disposent que d’une légitimité partielle. En d’autres mots, la Cour reconnaît bien le caractère transitionnel (et donc provisoire) du processus politique en cours. Si les juges ne cherchent pas à en freiner le déroulement (sans doute afin de ne pas générer une nouvelle crise nationale), la Cour lui dénie tout caractère durable d’un point de vue constitutionnel.

En décembre 2021, la Cour a de nouveau été saisie par les nouvelles autorités en place de la modification du règlement intérieur de la charte. Des assises nationales de refondation se sont tenues entre-temps, repoussant la possibilité d’organiser de nouvelles élections à la date proposée par la CEDEAO [40]. Les dispositions modifiées du règlement intérieur de la charte visent pour la plupart à rendre plus efficace le travail parlementaire. Une seule modification est censurée en ce qu’elle viole le principe de séparation des pouvoirs tel que la Cour l’avait rappelé dans sa jurisprudence antérieure [41]. L’arrêt ne se prononce pas en revanche sur le délai de 18 mois fixé par la CEDEAO (article 22 de la charte) [42] : à sa décharge, la Cour n’était pas saisie de cette question. Des assises nationales de la refondation, il ressort que l’organisation d’élections pour 2022 n’est pas tenable. Une transition militaire de « cinq années » [43] est suggérée à la place, ce que rejette catégoriquement la CEDEAO. Cette durée repose sur un programme politique ayant pour objectif la restauration progressive des institutions de l’État sur l’ensemble du territoire malien. Les arguments qui ressortent du communiqué de la CEDEAO font état du non-respect des engagements pris à Accra, de la violation d’un certain nombre de principes «démocratiques» et, à terme, d’un risque d’instabilité régionale. C’est dans ces conditions que la Communauté appelle au rétablissement de «l’ordre constitutionnel». Le 14 janvier 2022, des manifestations massives se tiennent à travers le pays à l’encontre du troisième train de sanctions infligé par la CEDEAO et la présence militaire française [44]. Par-delà les simplifications rapides, l’aspiration du peuple malien est prise en étau entre un pouvoir militaire bénéficiant certes d’une légitimité populaire certaine, mais dont la prise de pouvoir soulève des problèmes importants en matière de garantie des libertés fondamentales [45] et une Communauté faisant preuve d’une intransigeance stérile.

De quoi le retour à « l’ordre constitutionnel » est-il le nom ?

Cette étape de l’exposé requiert plusieurs remarques de fond. Une première incohérence «démocratique», interne au système politico-normatif malien, tient dans la contestation, dès 2020, de la Cour par un pouvoir exécutif (soutenu par la CEDEAO), censé formellement en garantir l’indépendance. Tout porte à croire qu’à partir du moment où la Cour a rendu l’arrêt invalidant partiellement plusieurs élections législatives, le pouvoir exécutif en place et la CEDEAO ont décidé ouvertement de remettre en question son autorité. On ne peut mieux illustrer cette pratique du fait du prince ou de commandant de cercle. Insatisfait de l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle, le pouvoir exécutif, aidé par l’autorité sous-régionale censée apporter son soutien à la stabilité du pays, décide explicitement de se débarrasser des juges en place.

L’enchaînement des événements qui suivent le prononcé de l’arrêt invalidant partiellement les élections législatives est à cet égard important. Le président de la République de l’époque, I. B. Keita, avait décidé de révoquer une partie des juges de la Cour alors même qu’il est censé en garantir l’indépendance (articles 45, 81, 82 de la constitution de 1992). À notre connaissance, aucun communiqué de la CEDEAO n’est intervenu pour rappeler le pouvoir exécutif à ses obligations. Pourtant, le protocole additionnel du 21 décembre 2001 (A/SP1/12/01) sur la démocratie et la bonne gouvernance du traité de la CEDEAO garantit en son article 1 de la même section («Des principes de convergence constitutionnelle») la séparation des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires [46]. C’est contre la préservation de ces principes que s’érige le pouvoir exécutif lorsqu’en juillet 2020, l’ancien président I. B. Keita, appuyé par la CEDEAO, impute directement les causes des troubles sociaux ayant secoué le Mali de mai à juillet 2020 à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle malienne. Pour s’être généralement présenté comme la réplique institutionnelle de l’Union européenne, le communiqué de la CEDEAO du 19 juin 2020 prend ici une direction radicalement opposée. Personne n’imagine un instant la Commission européenne mettre en cause l’impartialité du pouvoir judiciaire polonais au sein de l’Union. L’indépendance des pouvoirs doit au contraire être protégée au regard des textes supranationaux. Les divergences politiques, lorsqu’elles se font jour, se règlent devant la Cour de justice de l’Union. Le problème qui se pose ici est que la CEDEAO censée aider à la résolution des tensions d’un de ses pays membres fondateurs n’hésite pas à remettre en question une de ses institutions fondamentales. Rien ne semble plus maladroit dans un contexte lié à l’humiliation nationale collective que représente la présence sur le sol malien de forces étrangères depuis dix ans. On ne saurait mieux s’y prendre pour galvaniser l’unité nationale autour du pouvoir en place.

Plus étonnant est l’appel au rétablissement de «l’ordre constitutionnel» comme si, là encore, les décisions rendues par la plus haute juridiction constitutionnelle nationale — y compris la nouvelle Cour constitutionnelle pourtant issue des recommandations de la Communauté — étaient purement et simplement ignorées par la CEDEAO. C’est d’ailleurs ce qui ressort de la lecture des différents communiqués [47]. Au-delà des divergences de calendrier électoral, fallait-il en référer au respect des principes démocratiques dans un espace sous-régional où la majorité des pouvoirs en place ne peuvent se targuer d’être vertueux en matière d’élections? Les récents coups d’État en Guinée et au Burkina Faso en constituent des témoignages éclatants. La multiplication des coups d’État militaires est aussi liée à des modifications constitutionnelles illégitimes, sans que la CEDEAO réagisse avec autant de vigueur [48]. Comment comprendre cette fixation pour un retour à « l’ordre constitutionnel » ? Le sens des mots importe : la CEDEAO ne peut l’ignorer. Exiger un retour à «l’ordre constitutionnel» dans un pays divisé depuis dix ans, gouverné par un pouvoir corrompu dont l’ancien chef d’État n’a pas hésité à remettre en question ledit « ordre constitutionnel », en fonction de ses ambitions politiques personnelles, laisse songeur.

Mettre l’accent sur l’établissement d’un calendrier électoral et d’un chronogramme apparaît, dans cette longue période de déstabilisation que connaît le Mali, incongru. S’y référer sans proposer une sortie de crise concertée et conforme aux attentes du peuple malien semble d’autant plus hasardeux : la CEDEAO privilégie-t-elle le retour à la stabilité régionale au détriment des intérêts nationaux [49]? Les milliers de morts, destructions de villages, déplacements massifs de population, fermetures d’écoles et de services publics qui émaillent le quotidien du pays depuis près de dix années ne valent-ils pas mieux qu’un retour expéditif à «l’ordre constitutionnel » manifestement déconnecté du quotidien d’une grande partie de la population ? Voilà une série de questions de bon sens que tout un chacun au fait de la crise malienne ne peut s’empêcher de poser [50]. Les différents communiqués de la CEDEAO ne permettent pas de se faire une idée précise de la façon dont l’institution se représente «l’ordre constitutionnel» qu’elle réclame. Toute cette précipitation laisse penser que le Mali ne mériterait rien de plus qu’un vernis de stabilité à court terme — pour ne rien dire d’une démocratie de façade —, quitte à retomber dans les errements de l’ancien pouvoir en place [51]. Qu’en est-il de la situation socioéconomique, pour ne rien dire de celle militaire ? Manifestement, la CEDEAO envisage les événements politiques du Mali moins pour eux-mêmes que pour le risque de « contamination » politique qu’ils seraient susceptibles d’engendrer, ce qui est déjà le cas au Burkina Faso et en Guinée.

Une seconde observation tient à la forme juridique utilisée par la CEDEAO pour contraindre le Mali à se plier aux recommandations qu’elle formule. Si l’on s’en tient par exemple au communiqué du 19 juin 2020, force est de reconnaître que l’institution sous-régionale attribue à ses communiqués une valeur pour le moins extensive. Au nom de quoi une médiation pourrait-elle primer sur le droit positif national en vigueur? Car c’est bien de cela qu’il s’agit : le fondement juridique du communiqué de la délégation ministérielle du 19 juin 2020 repose, si on se réfère au protocole additionnel du 21 décembre 2001, sur les articles 12 3) à 18. Il ressort de ces articles que les recommandations formulées par une mission de la CEDEAO n’ont aucune force normative — sans doute est-ce bien à ce titre qu’on les qualifie de simples recommandations. Elles sont adressées au secrétariat exécutif de la CEDEAO qui peut «(…) décider des mesures à prendre». Or, s’agissant du Mali, tout s’est passé comme si les préconisations de certaines médiations disposaient intrinsèquement d’une autorité supranationale suffisamment contraignante pour s’appliquer directement dans l’ordre juridique malien [52]. C’est là une confusion juridique regrettable aux conséquences multiples [53] : discrédit du pouvoir judiciaire en place, remise en cause de la légitimité de la CEDEAO aux yeux du peuple malien, première victime des sanctions économiques infligées [54].

La légalité des sanctions infligées en question

C’est l’occasion de rappeler, à contre-courant du discours ambiant, que la décision sanctionnant la participation du Mali aux institutions de la CEDEAO constitue bien un acte juridique, quand bien même cet acte serait pris sous forme de communiqués émanant des chefs d’État et de gouvernement. Par conséquent, il est tout à fait loisible pour le gouvernement malien d’attaquer ledit acte devant la Cour de justice de la CEDEAO. À défaut, l’article 7 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (consacrant le droit à être entendu, lequel fait partie des sources du droit de la Communauté) et le droit à un procès équitable seraient vidés de tout contenu. Telle est la condition permettant d’assurer au gouvernement malien, comme à tout autre État membre, un droit de défense minimal.

Avant d’en venir au détail des sanctions prises par la CEDEAO, sans doute convient-il de se faire une idée globale de l’étendue des sanctions internationales infligées au gouvernement malien. Le premier train de sanction de la CEDEAO (août 2020) fut accompagné d’une résolution du Comité permanent de la francophonie (OIF) qui, par la voix de sa secrétaire générale, condamne la prise de pouvoir des militaires et appelle aussi au retour à «l’ordre constitutionnel» [55]. La Banque mondiale, de son côté, suspend provisoirement ses décaissements lors du second coup d’État de mai 2021 avant de reprendre sa coopération avec le gouvernement malien en septembre de la même année. L’Union africaine, se fondant sur l’avis du Conseil paix et sécurité (CPS) [56], a suspendu le Mali (à deux reprises, respectivement lors du premier et du second coup d’État) de sa participation aux activités de l’UA tant que le retour à «l’ordre constitutionnel» et au délai d’organisation d’élections sous 18 mois ne serait pas respecté. Les conclusions rendues par la mission paix et sécurité en juillet 2021 saluent les efforts entrepris par les autorités maliennes tout en exprimant sa vigilance quant à l’organisation à court terme d’élections indépendantes [57]. Elles en appellent à la solidarité des États de l’UA dans la mise en œuvre des priorités stratégiques définies par le gouvernement malien pour l’année 2021-2022. Enfin, réunie en session extraordinaire à Accra le 9 janvier 2022, la conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’UEMOA relève « l’absence de progrès dans le processus de restauration d’un ordre constitutionnel et démocratique normal au Mali (…) ». Elle décide non seulement « d’endosser les sanctions » [58] infligées par la CEDEAO, mais aussi en impose de nouvelles : « incluant notamment des sanctions économiques et financières ». Elle suspend de surcroît le Mali de sa participation à l’institution. La BCEAO décide d’agir de même, en gelant les avoirs du Mali.

Terminons ce panorama en évoquant le soutien apporté par les États-Unis, la France et l’Union européenne [59] aux sanctions prises par la CEDEAO [60]. Le compte rendu du représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU au Mali est plus nuancé, dans la mesure où il appelle à prendre en considération les travaux des assises nationales de la refondation qui devaient servir de base à un futur accord de paix [61]. Le 11 janvier, la Chine et la Russie se sont opposées à l’adoption d’une résolution introduite par la France et les États-Unis, proposant de soutenir les sanctions infligées par la CEDEAO à l’égard du Mali [62].

La nature des sanctions qui figurent dans le dernier communiqué final du sommet extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO publié le 9 janvier 2022 est essentiellement d’ordre économique, diplomatique et politique. Elles vont du rappel des ambassadeurs des pays membres de la CEDEAO au Mali, en passant par la fermeture des frontières terrestres et aériennes, la suspension des transactions commerciales en dehors des produits de première nécessité -, le gel des avoirs de la République malienne dans les comptes de la BCEAO ou la suspension des transactions financières en faveur du Mali par la BIC et la BOAD [63]. Moins médiatisé a été le point 12 du communiqué du 9 janvier précité par lequel la CEDEAO « (…) décide d’activer immédiatement la force en attente (…) qui doit se tenir prête à toute éventualité » [64]. L’option militaire n’est, par conséquent, guère écartée. Les motifs de ces sanctions tiennent dans le non-respect des engagements pris lors de la conférence qui s’est tenue à Accra en septembre 2020. La CEDEAO demande l’organisation rapide d’élections à court terme et rejette le délai de 5 ans issu des assises nationales de la refondation. Les sanctions précédentes (16 septembre 2021) étaient ciblées, visant les officiels maliens et leur famille [65]. Les premières sanctions qui suivent le premier coup d’État (20 août 2020) suspendent la participation du Mali aux organes de la CEDEAO, l’arrêt total des échanges économiques tout en ciblant les putschistes, leurs partenaires et leurs collaborateurs.

Les sanctions doivent par conséquent être systématisées en fonction des acteurs. Celles prises par la CEDEAO et l’UEMOA sont de loin les plus étendues ; celles adoptées par l’Union européenne et l’Union africaine demeurent, dans une certaine mesure, ciblées. Enfin, au plan international, la CEDEAO est soutenue par un ensemble de pays occidentaux (et d’institutions telles que la Banque mondiale) plus ou moins actifs d’un point de vue diplomatique (l’ancienne puissance coloniale étant la plus active de toutes). La rivalité entre la Chine, la Russie et les ÉtatsUnis explique aussi le soutien apporté par ce pays aux mesures de la CEDEAO. Le document issu du 4e sommet extraordinaire reprend à son compte cet arrière-plan. La CEDEAO se dit en effet « préoccupée par le (…) déploiement d’une agence de sécurité privée au Mali, avec des effets potentiellement déstabilisateurs pour la région de l’Afrique de l’Ouest » (point 14) [66]. Il convient de le souligner : aucun des différents communiqués de la CEDEAO analysés ne se réfère à une disposition précise du traité [67]. Telle est précisément la raison qui nous pousse à discuter dans les développements qui suivent une rationalité ex post justifiant les sanctions adoptées.

Le 27 janvier 2022, un nouveau document de la CEDEAO détaille une série d’arguments afin de justifier le train des sanctions évoquées [68]. Si le retour à «l’ordre constitutionnel» reste le principal objectif de l’institution, ce document tente d’apporter une justification aux sanctions infligées le 9 janvier, dans un contexte de grande solidarité d’une partie de la société civile ouest-africaine à l’égard du Mali. La CEDEAO revient sur chacun des arguments formulés par le gouvernement malien pour mieux en montrer l’inanité d’un point de vue comparé. Elle affirme par exemple que des sanctions — sans en préciser la nature — ont aussi été infligées en leur temps au Libéria, à la Sierra Leone, à la Guinée, au Niger et à la Guinée-Bissau en vue de restaurer « la démocratie » [69]. Elle conditionne la levée des sanctions à l’établissement d’un chronogramme « crédible ». Au moment où nous écrivons ces lignes, un nouveau communiqué du 3 février 2022 maintient le train de sanctions antérieures. Au vu de la propagation des coups d’État dans la région, le communiqué ajoute : «La conférence exprime sa vive préoccupation aux cas de violation de l’ordre constitutionnel dans la région (…) elle réaffirme son engagement à renforcer la démocratie et la bonne gouvernance dans la région, et instruit (sic) la Commission à accélérer la révision du protocole additionnel de 2001 sur la démocratie et la bonne gouvernance et des textes connexes» [70]. Est-ce le signe que la CEDEAO cherche à étendre les fondements juridiques lui permettant de diversifier les sanctions infligées à l’égard des États ? Rien n’est moins sûr.

Ceci nous conduit à l’examen de la légalité des sanctions au regard du traité CEDEAO71. Par souci de clarté, les sanctions seront examinées à l’aune des dispositions générales du traité (a), avant de les confronter au mécanisme de prévention et de gestion des conflits (b) puis au protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance (c).

Examen des sanctions à l’aune des dispositions générales du traité

La lecture des sanctions à l’aune des dispositions du traité CEDEAO modifié met en lumière leur manque de cohérence juridique. Tout d’abord, il importe de souligner le rôle — en l’espèce niée par la conférence des chefs d’État et de gouvernement — de la Cour dans la résolution de cette crise. L’article 76-2 du chapitre XV du traité fait pourtant de la Cour l’interprète authentique du traité en cas de différends entre États membres [72]. Le protocole additionnel sur la Cour rappelle que «la Cour a compétence sur tous les différends qui lui sont soumis qui ont pour objet : l’interprétation et l’application des règlements,  des directives, des décisions et de tous autres instruments juridiques subsidiaires adoptés dans le cadre de la CEDEAO (…) l’examen des manquements des États membres aux obligations qui leur incombent en vertu du Traité, des Conventions et Protocoles des règlements, des décisions et des directives (…) » [73].

De même, les attributions de la conférence des chefs d’États et de gouvernement — en l’occurrence l’organe à l’origine des différents communiqués et sanctions — sont encadrées par le traité (article 7 g et h). La conférence peut donc «saisir, en cas de besoin, la Cour de Justice de la Communauté lorsqu’elle constate qu’un État membre n’a pas honoré l’une de ses obligations (…) demander au besoin à la Cour de Justice de la Communauté des avis consultatifs sur toute question juridique». Les restrictions aux échanges et aux libertés de circulation sont, contrairement au contenu des sanctions, strictement encadrées, au regard de l’article 41-3 et 4 du traité. Si l’actualité récente liée aux sanctions a tendance à se concentrer sur les questions liées à la stabilité politique, sans doute faut-il rappeler, au regard des objectifs du traité CEDEAO (article 3), que l’institution a en charge l’intégration sous-régionale au moyen de la libéralisation des échanges. La lecture de ces dispositions empêche de considérer que les restrictions économiques infligées à la République du Mali sont censées se prolonger de manière perpétuelle : strictement encadrées, proportionnées et préalablement validées par la Cour, elles ne peuvent se prolonger au gré du « bon vouloir » de la conférence des chefs d’États et de gouvernement.

Une telle interprétation du caractère exceptionnel apporté à la restriction aux échanges au sein d’un traité [74] qui se donne pour objectif de promouvoir la construction d’un marché sous-régional remet d’autant plus en question les sanctions infligées au Mali. Que faire du manque à gagner des investisseurs économiques frappés de plein fouet par les sanctions de la CEDEAO ? [75] Pourront-ils mettre en jeu devant la Cour de justice de la Communauté la responsabilité juridique de l’institution liée aux pertes générées par l’adoption des sanctions ? [76] Comment compenser la perte des ports sénégalais et ivoiriens, traditionnellement considérés comme des débouchés naturels pour le Mali ? Et dans quelle mesure les sanctions infligées par la CEDEAO sont-elles compatibles avec une disposition du traité jusqu’à présent restée dans l’ombre (article 68, chap. XIII) : « Les États membres, tenant compte des difficultés économiques et sociales que pourraient connaître certains États membres insulaires et sans littoral, conviennent d’accorder, au besoin, à ces États un traitement spécial en ce qui concerne l’application de certaines dispositions du présent traité ».

Le régime général des sanctions prévues par le traité est défini à l’article 77, chapitre XVI. Cet article stipule : « Sans préjudice des dispositions du présent Traité et des protocoles afférents, lorsqu’un État membre n’honore pas ses obligations vis-à-vis de la Communauté, la Conférence peut adopter des sanctions à l’égard de cet État membre. Ces sanctions peuvent comprendre : 1) la suspension de l’octroi de tout nouveau prêt ou de toute nouvelle assistance par la Communauté; 2) la suspension de décaissement pour tous les prêts, pour tous les projets ou programmes d’assistance en cours ; 3) le rejet de la présentation de candidature aux postes statutaires et professionnels; 4) la suspension du droit de vote; la suspension de la participation aux activités de la Communauté (…) » La question qui se pose ici est de savoir ce que recouvre la condition d’un État qui « n’honore pas ses obligations ». L’économie générale du traité pousse à interpréter cette condition comme celle où un État membre se trouverait dans l’incapacité de faire face à ses obligations financières et juridiques. Il est certes possible d’entendre plus largement le sens du terme « obligation », mais aucune jurisprudence de la Cour ne semble, à notre connaissance, aller dans un tel sens [77].

L’article 7 du traité précisant les attributions de la conférence des chefs d’État et de gouvernement ne formule aucune habilitation explicite et générale de sanction envers un État membre. L’article 7 g) précise bien que la conférence peut «(…) saisir en cas de besoin la Cour de justice de la Communauté lorsqu’elle constate qu’un État membre n’a pas honoré l’une de ses obligations (…) ». Deux flous sémantiques interrogent par conséquent la nature juridique des sanctions de la CEDEAO (précisons, celles qui suspendent la République du Mali des institutions de la Communauté). En premier lieu, le fondement de la sanction — à supposer qu’il se réfère à l’article 77 du traité — repose-til sur un défaut financier du gouvernement malien ou convient-il de l’entendre plus largement? Et, en second lieu, à supposer encore que cette disposition soit valide, la Cour de justice n’aurait-elle pas dû être, conformément à l’article 7 g) du traité, saisie ?

Les sanctions au regard du mécanisme de gestion des conflits

On aurait pu penser que l’article 58 du traité sur la sécurité régionale pourrait servir de bases aux sanctions de la CEDEAO. Mais, là encore, le mécanisme qui régit cet article est un mécanisme de coopération, qui ne prévoit formellement aucune sanction possible [78]. Les dispositions principales du traité s’avèrent en réalité d’un faible secours pour comprendre la rationalité juridique des sanctions de la CEDEAO. Il faut se plonger dans le protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, du maintien de la paix et de la sécurité adopté à Lomé en 1999 [79]. Figurent, au nombre des principes du protocole (article 2 c) : « La promotion et la consolidation d’un gouvernement et d’institutions démocratiques dans chaque État membre », quand bien même le point (e) dudit article rappelle l’égalité entre chaque État souverain de la Communauté. Le mécanisme permet de recourir dans des cas précis à la force armée [80]. Les commentateurs s’accordent à considérer que l’usage de la force dont il fait mention ne peut avoir lieu qu’en dernier recours [81]. Jerry Ukaigwe souligne que jusqu’en 2014, le protocole n’avait toujours pas été ratifié par plusieurs États membres, en raison du manque de volonté politique [82].

Rédigé à la suite des conflits libériens (1990-1997) et sierra-léonais (1991-2002) où la force ECOMOG était intervenue sans base légale, l’application du mécanisme de gestion et de prévention des conflits apparaît disproportionnée s’agissant du cas malien [83]. Toutefois, la CEDEAO semble implicitement s’y référer (en faisant écho à une éventuelle intervention militaire), sans y recourir pour l’instant. En pratique, il faut bien reconnaître que rares sont les États de la sous-région pouvant échapper aux conditions fixées par l’article 25 du protocole justifiant le recours à la force. Au nombre de ces possibilités d’intervention, le(e) de l’article 25: «(…) en cas de renversement ou de tentative de renversement d’un gouvernement démocratiquement élu ». Manifestement, c’est cette condition qui semble le mieux justifier implicitement l’intervention vigoureuse de la CEDEAO. Encore faut-il s’accorder, dans le cas malien, sur le sens de l’expression « renversement d’un gouvernement démocratiquement élu ». La corruption du gouvernement de l’ancien président I. B. Keita est à l’origine de la contestation populaire qui a abouti à un changement de régime [84]. Le coup d’État ayant eu lieu par la suite s’est déroulé dans un contexte de rivalité entre acteurs au sein de la transition. Dans les deux cas de figure (celui de la chute de I. B. Keita et du premier gouvernement de transition), la condition de renversement d’un gouvernement « démocratiquement élu » apparaît illusoire, sauf à avoir, comme le fait la CEDEAO, une vision formaliste à l’extrême du concept de démocratie [85]. Il s’agit en effet d’une question cruciale, dans la mesure où le sens du concept varie en fonction de l’influence des acteurs qui en font usage [86].

Les sanctions au regard de l’article 45 du protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance

À l’instar du mécanisme de prévention des conflits, le protocole sur la gouvernance n’emporte aucun effet direct dans l’ordre juridique des États membres. Les dispositions qu’il comporte ne sont applicables — du moins certaines d’entre elles — que sur la volonté de l’État membre concerné [87]. L’article 45 du protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance stipule [88] : « En cas de rupture de la démocratie par quelque procédé que ce soit et en cas de violation massive des Droits de la Personne dans un État membre, la CEDEAO peut prononcer à l’encontre de l’État concerné des sanctions (…) ». Les sanctions, détaillées par la suite, vont du refus de soutenir une candidature présentée par un État membre à la suspension de l’État de toutes les instances de la Communauté. Cette disposition n’a jusqu’à présent été utilisée que très rarement89. Sa mise en œuvre supposerait tout d’abord une action collective de requérants victimes de violations massives des droits de l’homme devant la Cour tel que le prévoit l’article 9 (4) (d) du protocole modifié en 2005. Elle supposerait ensuite que les voies diplomatiques aient échoué à faire reconnaître une telle violation massive au sein de la conférence des chefs d’État précédée d’un rapport circonstancié de la Commission. On peut douter en l’état actuel — et c’est un euphémisme — s’agissant du Mali, d’une telle violation massive des droits de l’homme. Quant au constat d’une « rupture de la démocratie », il se heurte à un obstacle de taille, déjà évoqué, consistant à faire comme si la jurisprudence de la Cour constitutionnelle malienne n’avait jamais existé.

Finalement, la confusion apparaît totale en ce que les différents communiqués de la CEDEAO convoquent, sans jamais les nommer, des textes de nature très différente (protocole sur la bonne gouvernance, mécanisme de règlement des différends) qui ne répondent qu’imparfaitement à la situation en cause [90]. Toute cette analyse laisse penser que les sanctions de la Communauté manquent sérieusement de base légale, à tout le moins de cohérence juridique. Une lecture analogue — même si ces considérations n’entrent pas dans le présent propos — semble s’appliquer aux sanctions « endossées » par l’UEMOA et la BCEAO [91].

Conclusion provisoire

Au moment où nous achevons ce texte, les relations entre la CEDEAO et le Mali sont loin d’être apaisées. Deux recours ont été introduits contre la décision de la conférence des chefs d’État et de gouvernement par le bâtonnier de l’ordre des avocats du Mali [92]. Une nouvelle charte a été adoptée par le Conseil national de transition le 21 février 2022. L’article 2 modifié entérine les recommandations des assises nationales de la transition ; un article 9, aussi modifié, précise que le président de la transition n’est pas éligible aux fonctions présidentielles et législatives ; l’article 13 élargit la composition du comité national de transition; enfin, l’article 22, lui aussi modifié, prévoit que la durée de transition est modifiée conformément aux recommandations des assises nationales de la refondation [93].

Notre analyse s’est attachée à comprendre la succession d’événements en cours, à l’aune d’une rationalité juridique ou, si l’on préfère, dogmatique. Tout porte à croire que cette rationalité juridique fait cruellement défaut eu égard aux sanctions infligées au cours des derniers mois. Le propre d’une communauté de droit telle que la CEDEAO est de pouvoir fonctionner, régler les litiges entre les États par le mécanisme juridique. Sans doute est-ce là un euphémisme, mais la légitimité et l’avenir de la Communauté en dépendent. Ce qui tient lieu ici de « sanctions » n’est qu’un vernis de légalité maquillé derrière un rapport de force politique plus complexe. Nous avons jusqu’ici traité la CEDEAO comme un tout monolithique animé d’une même ambition [94]. Les choses sont plus nuancées, on s’en doute. L’exemple malien laisse penser qu’au sein de l’institution, la conférence des chefs d’État et de gouvernement demeure peu soucieuse du respect des contraintes prévues par le traité [95]. Le rappel à « l’ordre constitutionnel » sert ici de paravent dans une lutte entre élites civiles et nouvelles élites militaires en place : les premières se servant de l’autorité conférée par la CEDEAO afin de se prémunir, dans leurs pays respectifs, d’éventuels coups d’États futurs des secondes appuyées par la rue.

L’expression pure et simple du commandement ne peut être assimilée au « droit ». Cela renvoie à des débats conceptuels introduits après la Seconde Guerre mondiale [96]. La volonté de la conférence d’État et de gouvernement, aussi louable soit-elle, pèse peu lorsqu’elle est dénuée d’un minimum de garanties procédurales et substantielles. En mettant à distance les ressources juridiques qui fondent la légitimité de la Communauté, la CEDEAO prend le risque de perdre tout crédit dans la résolution de la crise malienne et, plus largement, dans les conflits en germe de la sous-région. Quantité de travaux théoriques l’ont déjà souligné et l’exemple malien ne fait pas exception : l’usage du « droit » n’est, pour une large part, toujours pas sorti du legs colonial visant à confondre légalité, commandement et personnalisation des pouvoirs [97]. Le cas malien donne à voir une pratique du « droit » de la CEDEAO qui ne correspond nullement à ses textes fondateurs. Cette référence aux « droits de l’homme » maquillée derrière une volonté de retour à « l’ordre constitutionnel » s’inscrit dans une longue généalogie, déjà présente après les indépendances, où le respect des « droits de l’homme » restait tributaire d’impératifs sécuritaires ou autocratiques nationalistes [98]. L’histoire semble s’inverser, s’agissant du cas malien, dans la mesure où les intérêts de la «communauté internationale » se substituent à la volonté nationale par le truchement de la CEDEAO. Le déni, voire le mépris affiché à l’égard de la jurisprudence constitutionnelle malienne, en constitue l’illustration parfaite. Et cela doit interroger plus profondément le sens même de l’intégration régionale et continentale.

Issa Shivji l’a d’ailleurs démontré à travers l’étude de l’union du Tanganyika et de Zanzibar : l’aspiration panafricaine sous-régionale ou continentale est mise à mal depuis des années par des motivations étrangères aux préoccupations des populations du continent [99]. Rien n’est plus dangereux qu’une intégration sans projet politique au service des peuples qui en sont destinataires. Le dicton selon lequel les crises africaines doivent être résolues par des Africains ne doit pas induire en erreur de ce point de vue. Le contenu des prescriptions de la CEDEAO s’appuie sur un positivisme idéologique [100] décontextualisé des destinataires auxquels il prétend s’appliquer (dans le cas présent, ce positivisme peut se reformuler de la manière suivante : il faut que les autorités maliennes se conforment aux prescriptions de la « communauté internationale » dont la CEDEAO se fait le porte-voix, parce que telle est la «vraie» solution); mais le contenu des sanctions repose aussi sur un raisonnement circulaire : rétablir un « ordre constitutionnel » qui existe déjà en droit interne. Le problème apparaît plus profond si l’on adopte une lecture post-coloniale des choses. Les sanctions infligées par la CEDEAO témoignent d’une double capitulation. Celle, en premier lieu, d’un modèle de gouvernement, puisé dans l’imaginaire politique africain et répondant aux attentes des peuples du continent ; celle consistant, en second lieu, à intérioriser le principe selon lequel les défaillances des ordres nationaux trouveraient nécessairement leur solution au sein de la « communauté internationale » en faisant abstraction des liens antérieurs entre ces mêmes acteurs nationaux et internationaux [101].

L’hypothèse d’un ordre supranational acquis aux intérêts de la « communauté internationale» s’avère d’autant plus probante quand on mesure le faible engouement des chefs d’État et de gouvernement lorsqu’il s’agit de faire respecter un minimum de droits subjectifs dans leurs pays respectifs et dans un contexte de recul significatif du respect des droits de l’homme en Afrique de l’Ouest [102]. On veut dire par là que le concept de « démocratie » reste peu mobilisé lorsqu’il est question de répondre aux attentes quotidiennes exprimées par les ressortissant.es de la CEDEAO [103]. L’expression de « Democratization of Disempowerment » proposée par C. Ake, rend compte de ce paradoxe [104]. Les acquis engrangés par la juridiction de la Communauté sont superbement ignorés par les États dès lors qu’ils permettent d’opérer des avancées pour l’amélioration des conditions de vie quotidienne des populations. Autrement dit, quel est le sens d’un retour à l’« ordre constitutionnel » émanant d’États qui, pour la plupart, rechignent encore à asseoir ledit ordre constitutionnel dans leurs ordres juridiques nationaux? L’exécution des arrêts rendus par la Cour de justice aux profits de particuliers peine encore à être mise en œuvre par les États membres [105]. Le président de la Cour, E. Asante, s’en est récemment ému dans un communiqué officiel [106]. On connaît de surcroît la manière dont les États ont traîné des pieds pour que les justiciables ouest-africains accèdent au prétoire de la Cour [107].

Une Cour, il faut le rappeler ici, toujours dotée de faibles moyens et dont l’exécution des arrêts reste tributaire du « bon vouloir » des États quant à leur transposition [108]. Et il faut encore rappeler la mauvaise foi des États de la CEDEAO lorsque, devant la Cour, ils soutiennent l’argument de l’épuisement des voies de recours en interne des requérants avant que celle-ci ne soit saisie. Discret, pour ne pas dire inexistant, fut le soutien apporté par la conférence des chefs d’État aux décisions phares de la Cour en matière de droits de l’homme. Il est frappant de constater que le retour à «l’ordre constitutionnel» n’a pas non plus été exigé en 2006, lors de l’enlèvement et des sévices subis par les journalistes gambiens E. Manneh et Saidykhan [109]. Aucun appel à la retenue n’a, à notre connaissance, été formulé durant la campagne de dénigrement organisée par la Gambie à l’égard de la Cour durant la fin des années 2000. La liste d’arrêts importants est longue, reconnaissant le droit à l’éducation, à la présomption d’innocence, à la propriété, à être payé de manière équitable, etc. [110] À dire vrai, le sujet juridique africain ne semble pas encore entré dans les préoccupations politiques tant des États que de la CEDEAO [111]. Pour y parvenir, il faudrait retrouver les chemins perdus d’un panafricanisme politique initié par N’Krumah au sein d’une généalogie humaniste ancrée dans une pensée politique africaine [112]. Il faut, en ce sens, dépasser la lecture binaire opposant des militaires souverainistes à une CEDEAO acquise à l’Occident. Une troisième voie a toujours existé, rejetant l’idée que les pays africains ne seraient que des pions sur un échiquier international plus large. Et cette voie alternative pourrait permettre de réinventer la CEDEAO [113] sur des bases panafricanistes, au service de la protection des libertés fondamentales.

 

Notes

1. Ce texte constitue une interprétation circonstancielle des sanctions de la CEDEAO à l’égard de la République du Mali. La démonstration ne prend pas en compte les événements postérieurs au 24 mars 2022. Il va de soi que l’actualité juridico-politique des relations entre le Mali et la CEDEAO va évoluer dans les mois qui suivent. Le travail proposé ici est circonstanciel. Il faudrait, pour une analyse exhaustive, inscrire ce travail au sein d’une temporalité plus longue liée à l’histoire politique malienne et à l’intégration sous-régionale; il faudrait aussi pouvoir se livrer à une étude comparée des sanctions antérieures mises en œuvre par la CEDEAO dans des situations comparables, ce que ce texte ne fait pas. Je suis reconnaissant à toutes celles et ceux qui ont bien voulu relire, critiquer et corriger les différentes versions de ce travail. Les erreurs que ce texte comporte sont évidemment miennes. Il faut aussi regretter, d’une manière générale, le manque d’écho des analyses produites par les universitaires maliens et africains sur cette crise; ce faible écho n’est pas sans lien avec les difficultés liées à la création d’espace critiques universitaires, notamment en Afrique francophone : I. Dougnon, « In Time of Crisis, why academics so quiet? » 9 mars 2013, University world News : https://www. universityworldnews.com/post. php?story=20130308124745395.

2. Respectivement : mission de formation de l’Union européenne au Mali et Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali.

3. Entre autres, l’émoi suscité par les bavures militaires reconnues par l’ONU au terme d’une enquête contestée par la ministre française des armées, Florence Parly. Voy. « UN investigation concludes French military Airstrike Killed Mali civilians », UN News, 30 mars 2021: https://news.un.org/en/story/2021/03/1088722 (consulté le 25 févr. 2022).

4. Par ex. : N. Wilén, « When Things Fall Apart. France’s withdrawal from Mali », Egmont Royal Institute for International Relations, 18 févr. 2022 : https://www.egmontinstitute.be/when-things-fall-apart-frances-withdrawal-from-mali/ (consulté le 14 mars 2022) ; O. Ba, O. Diallo, « What Make the French Exit from Mali? », Al Jazeera, 3 mars 2022 : https://www.aljazeera.com/opinions/2022/3/3/what-to-make-of-the-french-exit-from-mali (consulté le 14 mars 2022).

5. Entretien de monsieur J-Y. Le Drian, ministre des Affaires étrangères, avec RTL le 28 janv. 2022 sur la situation au Sahel : https://www.vie-publique.fr/discours/283660-entretien-jean-yves-le-drian-28012022-france-russie (consulté le 10 février 2022).

6. Pour une discussion sur le manque de solidité de l’accord instituant la force « Takuba » : N. Gros Veryde, « Mali. Who is telling the truth? Agreement or not with the Europeans on Takuba Task Force » : https://www.bruxelles2.eu/en/2022/01/mali-who-says-true-agreement-or-not-with-the-europeans-on-the-takuba-task-force/ (consulté le 10 févr. 2022). Les forces danoises ont quitté le sol malien, en dépit de la pression des 14 pays membres de l’UE composant ladite force. On se réfère au communiqué du 26 janv. 2022 du ministère des Affaires étrangères : communiqué conjoint relatif à la déclaration des autorités de transition maliennes concernant la Task Force Takuba : https://www.bruxelles2.eu/en/2022/01/mali-who-says-true-agreement-or-not-with-the-europeans-on-the-takuba-task-force/ (consulté le 10 février 2022). En répercussion, l’UE avait infligé le 13 décembre 2021 des sanctions à l’encontre de la société Wagner ainsi que des sanctions ciblées à l’encontre de certains officiels Maliens faisant obstacle à la transition : https://www. consilium.europa.eu/fr/meetings/ fac/2021/12/13/ (consulté le 10 février 2022).

7. Officiellement, le gouvernement suédois affirme qu’un tel retrait était déjà planifié de longue date : https://www.euronews. com/2022/01/15/us-eu-foreign-mali-sweden

8. « Norway Scraps sending Small force to Mali », The Defense Post, 1er févr. 2022 : https://www. thedefensepost.com/2022/02/01/ norway-scraps-force-mali/ (consulté le 14 févr. 2022).

9. « Barkhane, la France annonce le retrait complet de ses troupes au Mali », Libération, 17 févr. 2022 : https://www.liberation.fr/ international/afrique/barkhane-la-france-annonce-le-retrait-complet-de-ses-troupes-du-mali-20220217_YTPNW4TM2BAVNIHI45BN253TPA/ (consulté le 18 févr. 2022).

10. S. M. Cold-Rankilde, « Borderwork in the Grey Zone: Everyday Resistance within European Border Control Initiatives in Mali », Geopolitics, DOI: https://doi.org/10.1080/14650045.2021.1919627

11. Sur d’éventuelles concessions accordées par le gouvernement malien au groupe Wagner et les intenses tractations diplomatiques de la France à l’adresse de la Russie durant le premier et le second coup d’État : J. Thompson, « The Wagner Group has its eyes on Mali: A New Front in Russia’s Irregular Strategy », Modern War Institute at West Point, 14 oct. 2021 : https://mwi.usma.edu/the-wagner-group-has-its-eyes-on-mali-a-new-front-in-russias-irregular-strategy/ (consulté le 6 février 2022).

12. M. Shurkin, « Thoughts on France’s Failure in Mali », SGS, 4 févr. 2022 : https://www.shurbros.com/post/thoughtson-france-s-failure-in-the-sahel (consulté le 11 févr. 2022) ; H. O. Moctar, « It’s Time for Europe to learn from its mistakes in Sahel», AlJazeera, 15 févr. 2022 : https://www.aljazeera.com/opinions/2022/2/15/it-is-time-for-for-europe-to-learn-from-its-mistakes-in-the-sahel (consulté le 18 févr. 2022).

13. J. Antouly, « Quels sont les accords qui encadrent les interventions militaires au Mali », The Conversation, 28 janv. 2022 : https://theconversation.com/ quels-sont-les-accords-qui-encadrent-les-interventions-militaires-au-mali-175869 (consulté le 10 févr. 2022).

14. La question de l’efficacité discutable des sanctions économiques n’est pas nouvelle : N. Mulder, The Economic Weapon. The Rise of sanctions as a Tool of Modern War, New Haven, Yale University Press, 2022. Les décisions rendues par la Cour constitutionnelle malienne ainsi que les décrets mentionnés dans ce texte peuvent être consultés à l’adresse suivante du secrétariat général du gouvernement malien : https://sgg-mali.ml/fr/accueil.html (consulté le 14 févr. 2022).

15. M. Goya, « Coup d’État au Mali : Barkhane à l’épreuve », Institut Montaigne, 2 sept. 2020 : https://www.institutmontaigne.org/analyses/coup-detat-au-mali-barkhane-lepreuve (consulté le 6 février 2022). Nous soulignons en gras les passages qui éclairent, dans la démonstration qui va suivre, l’action de la CEDEAO.

16. Pour une analyse s’agissant du Sahel : A. Niang, « Coups, insurgency and Imperialism in Africa », Review of African Political Economy, 8 mars 2022 : https://roape.net/2022/03/08/ coups-insurgency-and-imperialism-in-africa/ (consulté le 14 mars 2022).

17. Cette saisine intervient après le second coup d’État des militaires, le 24 mai 2021. Le nouveau gouvernement du Premier ministre M. Ouane écartait du pouvoir les colonels Koné et S. Camara, anciens membres du Comité national de Salut Public (CNSP). M. Ouane et le président B. N’daw sont dès lors contraints à la démission par une lettre officielle. C’est dans ce contexte qu’intervient la saisine de la Cour constitutionnelle malienne, le 27 mai 2021.

18. Précisons qu’en France, cette vacance est assurée par le président du Sénat : article 7 §4 de la constitution du 4 oct. 1958.

19. Arrêt n° 2020-04/CC du 30 avril 2020 portant proclamation des résultats définitifs du deuxième tour de l’élection des députés de l’Assemblée nationale : https://sgg-mali.ml/JO/2020/mali-jo-2020-17-sp.pdf (consulté le 28 févr. 2022).

20. Délibération n° 2020-02/CCEL du 6 mai 2020 portant sur les demandes de rectification de l’arrêt n° 2020-04/CC-EL du 30 avril 2020. Les requérants composés des candidats dont la députation avait été invalidée se fondaient sur l’article 10 du règlement intérieur de la Cour, afin d’en contester le bien-fondé sur le fond. Cet article dispose : « Les arrêts, les avis et les constats de la Cour constitutionnelle peuvent faire l’objet de rectification en cas d’erreur matérielle de leur rédaction. Cette rectification est décidée après délibération des membres de la Cour, soit d’office, soit à la demande de toute personne intéressée ». La Cour rejette la requête des requérants et rappelle en substance que les rectifications prévues par cet article sont d’ordre matériel. En aucun cas, elles ne peut servir à rejuger une affaire. Tout ce récit judiciaire permet de mieux éclairer les critiques qui seront adressées par la suite à la Cour aussi bien par une partie de la classe politique, par le président de la République (I. B. Keita) que par la CEDEAO.

21. Les revendications exprimées sont multiples, mais toutes dirigées à l’encontre du président I. B. Keita (mauvaise gouvernance, corruption, incapacité de l’État malien à endiguer les attaques djihadistes). Elles ne se focalisent pas cependant sur la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, même si elles font part de violations répétées de la part du pouvoir exécutif de la Constitution. Voy. en ce sens : note n° 002-CS/ M5-RFP à l’attention des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO sur la situation sociopolitique et pour une sortie de crise au Mali, 23 juil. 2020 : https://maliactu.net/mali-note-du-m5rfp-a-lattention-des-chefs-detat-de-la-cedeao-sur-la-situation-sociopolitique-et-pour-une-sortie-de-crise-au-mali/ (consulté le 15 févr. 2022).

22. Décret n° 2020 -0312/P-RM du 11 juil. 2020 portant abrogation de la nomination de certains membres de la Cour constitutionnelle, JO du 13 juil. 2020, n° 18, p. 733. Furent démis nommément de leurs fonctions par le décret trois magistrats : l’ancienne présidente, M. Danioko, B. Sissoko et B. Berthe.

23. On se réfère aux considérants qui précèdent les dispositions du décret du 11 juil. 2020 précité.

24. Les nouveaux juges nommés sont saisis par une ONG de défense des droits de l’homme, de la légalité de ce décret de dissolution du 11 juillet 2020. La Cour juge irrecevable la demande : les requérants n’avaient pas qualité pour agir : Cour constitutionnelle, arrêt n° 2021-01/CC du 3 mars 2021.

25. Le ministre des Affaires étrangères, président du Conseil des ministres de la CEDEAO, était à la tête d’une médiation composée des ministres des Affaires étrangères de la Côte d’Ivoire, de la la République fédérale du Nigéria et du président de la Commission de la CEDEAO. L’ancien président du Nigeria, Goodluck Jonathan, fut en outre nommé médiateur dans la crise malienne.

26. D. Zongo, « Mali, les recommandations de la mission de la CEDEAO », https://www.wakatsera.com/mali-les-recommandations-de-la-mission-de-la-cedeao/ (consulté le 15 févr. 2022).

27. « Les dessous de l’opération « sauver IBK », Jeune Afrique, 28 juil. 2020.

28. Déclaration des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO du 20 août 2020 (points g), h), i) de la déclaration : https://www.ecowas. int/wp-content/uploads/2020/08/ DECLARATION-DES-CHEFS-DETAT-SUR-LE-MALI-200820.pdf

29. Nous mettons le terme entre guillemets, car personne ne connaît la teneur des discussions échangées entre les officiels maliens et les dirigeants de la CEDEAO.

30. Protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité.

31. Déclaration des chefs d’État et de gouvernement du 5 oct. 2020 : https://www.ecowas.int/wpcontent/uploads/2020/10/Eng_ Declaration-levee-de-sanctionsMali-Octobre-2020.pdf (consulté le 10 févr. 2022).

32. Décret n° 2020 -0072/PT-RM du 1er oct. 2020 portant promulgation de la Charte de transition.

33. Loin de nous l’idée de dire que la CEDEAO n’aurait aucun rôle à jouer dans cette crise puisque, d’un point de vue strictement chronologique, elle accompagne le gouvernement malien depuis 2013. Il ne s’agit pas de dire non plus qu’une prise du pouvoir par la force n’était pas condamnable. La question est ailleurs : il s’agit de savoir si le rôle de médiation dévolu à l’institution lui permet ouvertement de mettre en cause la plus haute juridiction du pays dans un contexte de reconstitution de l’appareil d’État.

34. On se réfère ici à ce protocole mentionné par la déclaration des chefs d’État et de gouvernement du 5 octobre 2020 précité (point 1).

35. Arrêt n° 2020-07/CC du 18 déc. 2020 relatif à la requête aux fins de contrôle de conformité de la constitution du règlement intérieur du Conseil National de Transition. Entre autres, l’arrêt pointe dans la version du règlement intérieur qui lui est proposé l’incohérence du délai de 18 mois (conforme à celui proposé par la CEDEAO) figurant à l’article 22 et la non-précision du délai figurant à l’article 94 du règlement intérieur de la charte.

36. Décret n° 2020 -0317/PT-RM du 18 déc. 2020 déclarant l’État d’urgence sur le territoire national, p. 2, JO n° 19. On fait mention de ce décret afin de souligner qu’au regard de l’article 50 de la constitution malienne, le président concentre entre ses mains tous les pouvoirs. Dans cette configuration, le rôle du vice-président de la transition apparaît secondaire. Sans doute est-ce l’une des causes de la méfiance accrue entre le président, le Premier ministre et le vice-président de la transition.

37.L’avocat de M. Ouane et B. N’daw introduit un recours devant la Cour de justice de la CEDEAO demandant leur libération. La Cour adresse un mémorandum au gouvernement malien en réclamant des informations sur les conditions de leur détention. Les deux protagonistes seront libérés le 26 mai 2021.

38. https://sgg-mali.ml/JO/2020/mali-jo-2020-17-sp.pdf

39. Nous mettons cela entre guillemets dans la mesure où le mouvement du M5-RFP restait divisé sur le soutien à apporter aux militaires.

40. https://anr-mali.org; cette analyse des assises nationales de la rénovation est en partie partagée par certains observateurs internationaux : M. Bøås, J. Bjarnesen, « Broad Political compromise only way forward in Mali », The Nordic Africa Institute, 4 févr. 2022 : https://nai.uu.se/news-andevents/news/2022-02-04-researchers-broad-political-compromise-only-way-forward-in-mali. html (consulté le 11 févr. 2022).

41. L’article 91 du règlement intérieur de la Charte attribuait au président du CNT le pouvoir de fixer les indemnités parlementaires des membres du CNT, ce que censure en l’espèce la Cour constitutionnelle au motif qu’il ne peut revenir au pouvoir exécutif de le faire : Arrêt n° 2002-04/CC du 17 déc. 2021 relatif à la requête aux fins de contrôle de conformité à la constitution de règlement intérieur modifié du CNT.

42. Il existe là encore des possibilités juridiques nationales moins disproportionnées tant pour l’opposition que pour la CEDEAO : outre l’article 22 précité, l’article 25 dispose qu’en cas de contrariété entre la charte et les dispositions de la constitution, les premières s’appliquent au détriment des secondes.

43. En réalité, les assises proposent une transition d’une durée de 6 mois à 5 ans ; l’exécutif entérine une durée de 5 années et la propose à la CEDEAO.

44. Elles se sont aussi tenues en février, après l’expulsion de l’ambassadeur de France au Mali : « Thousands take to the Streets of Bamako in anti-French protest » : https://www.reuters.com/world/africa/thousands-take-streets-bamako-anti-french-protest-2022-02-04/ (consulté le 11 févr. 2022) ; « Mali : manifestations massives contre la Cédéao (et la France) » : https://fr.euronews.com/2022/01/14/mali-manifestations-massives-contre-la-cedeao-et-la-france (consulté le 11 févr. 2022).

45. La Cour a été saisie d’un recours demandant aux juges de se prononcer sur la légalité de la vacance des autorités de transition (selon la Charte de transition, leur mandat arrivait à échéance le 17 février 2022). Le requérant soulignait que la Cour n’avait pas non plus été saisie de ce « vide constitutionnel ». La Cour rejette le recours introduit devant elle au motif tiré de l’incompétence du requérant, au regard des textes déterminant les attributions de la Cour : Arrêt 2022-02/CC du 9 mars 2022 relatif à la requête de Monsieur Ainea Ibrahim Camara, président du Mouvement Républicain (MR) aux fins de contestation de la vacance des autorités de transition. De plus, une note récente de Human Rights Watch fait état de plusieurs exécutions de civils à Tonou, Nia Ouro, Feto Woro, Gnagan, Boudjigiré entre autres : « Mali: New Wave of Executions of Civilians », Human Rights Watch, 15 mars 2022 : https://www.hrw.org/news/2022/03/15/mali-new-wave-executions-civilians (consulté le 15 mars 2022). Par un communiqué du 16 mars 2022, le gouvernement malien réagit de manière ferme en suspendant un certain nombre de médias français (RFI et France 24) tout en déniant la véracité du rapport publié par Human Rights Watch : voy en ce sens, le communiqué n°023 du Gouvernement de la transition du 16 mars 2022.

46. Il faut aussi remonter à l’élection présidentielle de 2018 et aux contestations qu’elle a engendrées pour mesurer la fragilité originelle de l’assise du président I. B. Keita : Rapport de la mission électorale de l’Union Africaine, Commission de l’UA, Mali 2018 (p. 36-43) : https://au.int/sw/documents/20190515/rapport-de-la-mission-dobservation-electorale-7-juillet-12-aout-mali (consulté le 10 févr. 2022).

47. https://www.ecowas.int/la-cedeao-pour-un-retour-a-lordreconstitutionnel-au-mali/?lang=fr (consulté le 11 février 2022).

48. Comme l’illustrent les cas récents de la Guinée, du Togo ou auparavant du Burkina Faso.

49. On se fonde, par exemple, sur le communiqué final des chefs d’État de la CEDEAO du 9 janvier 2022 affirmant : « La conférence juge totalement inacceptable le chronogramme proposé pour la transition. Ce chronogramme signifie simplement qu’un gouvernement militaire illégitime tiendra le peuple malien en otage durant les cinq prochaines années (…) » (4e sommet extraordinaire de la conférence des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO sur la situation politique au Mali). Le retour à l’ordre constitutionnel semble se réduire, sous le regard de la CEDEAO, à une exigence minimale de « stabilité politique », condition indispensable d’une mise en œuvre de la « bonne gouvernance ». Or, le concept de « bonne gouvernance » dissimule un dispositif démocratique en apparence ainsi que le rappelle Rita Abrahamsen : R. Abrahamsen, Disciplining Democracy: Development discourse and Good Governance Agenda in Africa, New York, Zed Books, 2000.

50. Voy. par ex : J. Ibrahim, « African Politics : Return of Military », Premium Times, 28 janv. 2022 : https://www.premiumtimesng.com/opinion/508226-african-politics-return-of-the-military-byjibrin-ibrahim.html (consulté le 10 février 2022) ; « O. Moderan, F. Koné, F. Maïga, « Le bras de fer, peu productif, détourne de l’essentiel », Institut d’études de sécurité, 22 janv. 2022 : https://issafrica.org/fr/iss-today/au-dela-des-sanctions-de-la-cedeao-quelle-sortie-de-crise-pour-le-mali (consulté le 10 février 2022) ; M. Bøås, J. Bjarnesen, « Broad Political compromise only way forward in Mali », The Nordic Africa Institute, 4 févr. 2022 : https://nai.uu.se/news-andevents/news/2022-02-04-researchers-broad-political-compromise-only-way-forward-in-mali. html (consulté le 11 février 2022), op. cit.,

51. Pour une analyse de ce point : J. Ibrahim, « Enablers of Return of Military in West Africa », Premium Times, 4 févr. 2022. Les points 15 et 16 du communiqué explicatif du 27 janvier 2022 viennent attester de l’hypothèse selon laquelle « ordre constitutionnel » et stabilité régionale sont volontairement confondus par la CEDEAO : « (…) Dans le cas du Mali comme dans les cas évoqués plus haut, la CEDEAO attend des Autorités militaires de la Transition un calendrier raisonnable et réaliste pour la tenue des élections. Les sanctions seront levées progressivement sur la base de ce chronogramme et de sa mise en œuvre diligente et satisfaisante. Cette levée des sanctions dépend de la volonté politique des Autorités de la Transition d’organiser les élections dans un délai raisonnable (…) Ainsi, accepter la proposition des Autorités militaires du Mali telle que formulée ferait peser un risque majeur sur le Mali et également un risque de déstabilisation grave sur la région tout entière de l’Afrique de l’Ouest, avec la jurisprudence (sic) ainsi créée. La Communauté ne saurait s’accommoder d’une telle pratique qui, au-delà de créer l’instabilité, constituerait un recul majeur dans tous les domaines » : https://ecowas.int/?p=53018&lang=fr

52. Il faut rappeler ici que, contrairement au droit de l’Union européenne, le droit de la CEDEAO interprété par la Cour ne s’applique pas directement dans les ordres juridiques nationaux. Les États membres n’ont d’ailleurs rien fait pour aller dans ce sens : J. Ukaigwe, ECOWAS Law, Springer, 2016, chap. 6, p. 201-222.

53. Cette confusion repose sur une pratique déjà mise en œuvre s’agissant des processus dits de certification des élections durant la crise ivoirienne. Les accords de médiation semblaient aussi bénéficier d’une valeur juridique supérieure à celle des normes nationales. Voy. M. Idy Sall, La certification des élections, un nouvel outil dans la gestion des processus électoraux en Afrique à travers une opération de maintien de la paix:le cas de la Côte d’Ivoire, Thèse, Université de Reims, 2017.

54. En témoigne le récent défaut de paiement du Mali fin janvier sur les marchés financiers lié au train de sanctions financières mis en œuvre par la CEDEAO, l’UEMOA et la BCEAO : « Mali : les défauts de paiement dépassent le cap des 80 millions d’euros », Jeune Afrique, 14 févr. 2022 : https://www.jeuneafrique.com/1312647/economie/mali-les-defauts-de-paiement-passent-le-cap-des-80-millions-deuros/ (consulté le 15 févr. 2022).

55. Résolution du CPF, 111e session extraordinaire, 25 août 2020 : « conformément aux dispositions du chapitre 5 de la Déclaration de Bamako, de prononcer la suspension de la République du Mali de la Francophonie, entraînant l’application de l’ensemble des mesures déclinées au paragraphe 3 dudit chapitre, tout en maintenant les programmes de coopération bénéficiant directement aux populations civiles et ceux qui peuvent concourir au rétablissement de la démocratie » : https://www.francophonie.org/sites/default/files/2020-08/Resol_Mali_CPF_111_25082020.pdf

56. Le Conseil paix et sécurité de l’Union africaine est chargé de la prévention et de la gestion des conflits à l’échelle continentale. Créé par le protocole de Durban en 2002, il est composé de 15 États membres, dont 4 représentants de la région ouest-africaine (la plus représentée en l’occurrence). Les membres des États ouest-africains qui siègent actuellement au CPS sont : le Nigeria, le Ghana, le Sénégal et le Bénin. Sur le protocole de Durban : https://www.peaceau.org/uploads/psc-protocol-fr.pdf (consulté le 10 févr. 2022).

57. Peace and Security Council of AU, PSC/PR/Comm. 1027, du 1er sept. 2021 : https://www.peaceau.org/en/article/communique-of-the-1027th-meeting-of-the-african-union-peace-and-security-council-on-the-situation-in-mali-and-consideration-of-the-report-of-the-psc-evaluation-mission-to-mali-2-september-2021 (consulté le 14 févr. 2022).

58. Sans qu’une base légale ait été mobilisée à ce titre dans le communiqué.

59. L’UE a décidé de cibler les sanctions à l’encontre de cinq membres du gouvernement de transition tout en apportant son soutien aux mesures de la CEDEAO : communiqué de presse du 4 févr. 2022 : https://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2022/02/04/mali-eu-adopts-targeted-sanctions-against-five-individuals/ (consulté le 10 févr. 2022).

60. Communiqué de presse du Conseil de l’UE du 2 oct. 2021 : https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2021/10/02/declaration-by-the-high-representative-on-behalf-of-the-eu-onpeace-and-democracy-followingthe-ecowas-summit-of-september-16-2021/ (consulté le 10 févr. 2022) ; les sanctions américaines peuvent être consultées sur le Federal Register vol. 85, n° 26 du 27 févr. 2020, p. 7223 : https://heinonline-org.faraway.parisnanterre.fr/HOL/Page?lname=&public=false&collection=fedreg&handle=hein.fedreg/085026&men_ hide=false&men_ tab=toc&kind=&page=7223 (consulté le 10 févr. 2022).

61. « Mali : l’envoyé de l’ONU avertit le conseil de sécurité d’un « cycle sans fin » d’instabilité», ONU Info, 11 janv. 2022 : https://news.un.org/fr/story/2022/01/1112092 (consulté le 10 févr. 2022), même s’il faut rappeler le soutien apporté par l’ONU à la CEDEAO au sein des résolutions prolongeant le mandat de la MINUSMA : Résolutions 2584 (2021) du 29 juin 2021 et 2590 (2021) du 31 août 2021.

62. Security Council Report. « Mali : Briefing and Consultations » : https://www.securitycouncilreport.org/whatsinblue/2022/01/malibriefing-and-consultations-7.php

63. Il faut aussi se demander de quelle manière ces différentes sanctions sont effectivement mises en œuvre. La Guinée, on l’a dit, a décidé de ne pas les appliquer. La position du nouveau gouvernement burkinabè est à ce jour inconnue. Une lettre, datée du 3 février de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers en Côte d’Ivoire (SK/Kan/n° 70), fait état d’un certain nombre de difficultés dans la mise en œuvre des sanctions de la BCEAO (transferts, traitement de créances, traitement des opérations sur le marché interbancaire, traitement des opérations avec les clients résidents non concernés par les sanctions, traitement sur le marché des titres, traitement des informations sur les personnes physiques en cas d’homonymie). Sur le marché du refinancement, la BCEAO continue d’injecter des liquidités (quoique réduites) aux Établissements bancaires commerciaux depuis fin janvier 2022.

64. 4e Sommet extraordinaire de la conférence des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO sur la situation du Mali, 9 janv. 2022 (point 12 de la décision).

65. Session extraordinaire de la conférence des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO, 16 sept. 2021 (point 15 de la décision).

66. 4e Sommet extraordinaire de la conférence des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO sur la situation du Mali, 9 janv. 2022.

67. Tout au plus, comme on va le voir, les premiers communiqués mobilisent vaguement le protocole sur la bonne gouvernance.

68. « La CEDEAO pour un retour à l’ordre constitutionnel au Mali » : https://ecowas.int/?p=53018&lang=fr (consulté le 14 févr. 2022).

69. Il y aurait beaucoup à dire sur une analyse comparée de ces différentes sanctions ainsi que nous l’avons rappelé dès la note n° 1. En matière de paix et de sécurité, mentionnons les rivalités de point de vue entre États anglophones et francophones liées aux interférences des anciennes puissances coloniales. Comme le rappelle le début du conflit ivoirien en 2002, alors que le gouvernement ivoirien de l’époque acceptait le déploiement d’une force d’interposition de la CEDEAO sur son territoire, la France a unilatéralement décidé d’intervenir en tant que force d’interposition en envoyant un contingent de 2500 soldats : O. Benson Osadolor, « The Evolution of Policy on Security and Defence in ECOWAS, 19782008 », Journal of History Society of Nigeria, 2011, vol. 20, p. 94-96.

70. Sommet extraordinaire de la conférence des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO sur la situation politique, au Burkina Faso, en Guinée et au Mali, Accra, 3 févr. 2022.

71. Le communiqué détaillé du 27 janvier 2022 évoque vaguement, sans toutefois le préciser, «des sanctions à l’encontre duMali conformément aux dispositions légales et règlementaires de l’institution». Les sanctions du 20 août et la levée des sanctions du 5 octobre 2020 (Déclaration of ECOWAS Head of State and Government on Mali, 5 oct. 2020) se réfèrent toutes deux  (sans mentionner une seule disposition précise) au « protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance sur lequel on reviendra ». Ce n’est peut-être sur la forme qu’un détail, mais ce détail met le doigt sur un dysfonctionnement plus profond : aucune communauté de droit prétendant tirer sa légitimité d’un texte fondateur ne peut valablement fonctionner sans s’appuyer sur ledit texte. Il en va de la crédibilité et de la légitimité du fonctionnement de la CEDEAO. Ndongo S. Sylla et Fanny Pigeaud ont souligné à raison la fragilité juridique du train de sanctions infligées au Mali : F. Pigeaud, N. S. Samba, « Mali : un embargo financier illégal avec une empreinte néocoloniale », 17 janv. 2022 : https://blogs.mediapart.fr/fanny-pigeaud/ blog/170122/mali-un-embargo-financier-illegal-avec-une-empreinte-neocoloniale (consulté le 10 févr. 2022).

72. Arrêt ECW/CCJ/JUD/03/05, Jerry Ugokwev. Nigeria, 7oct. 2005, pt.20.

73. Protocole additionnel (A/ SP1/01/05) portant amendement du préambule, des articles 1, 2, 9, 22 et 30 du Protocole A/P1/7/91 relatif à la Communauté ainsi que l’article 4 paragraphe 1 de la version anglaise du protocole : http://www.courtecowas.org/wp-content/uploads/2019/01/Protocole-Additionnel-Asp.10105.pdf

74. Telle est du reste la présentation usuelle des objectifs du traité de la CEDEAO. Voy. en ce sens : M. Nduaguibe, The Law and Politics of ECOWAS, CreateSpace Independent Publishing, 2013, chap. 8 à 13.

75. Il n’existe, à notre connaissance, aucun rapport ou étude sur les conséquences économiques liées aux sanctions économiques de la CEDEAO ainsi que sur leur mise en œuvre. Certaines notes d’institut font craindre de véritables pertes dans de nombreux secteurs (agricoles, portuaires) : O. Moderan, F. Koné, F. Maïga, «Le bras de fer, peu productif, détourne de l’essentiel», Institut d’études de sécurité, 22 janv. 2022 : https://issafrica.org/fr/iss-today/au-dela-des-sanctions-de-la-cedeao-quelle-sortie-de-crise-pour-le-mali (consulté le 10 févr. 2022).

76. Voy. en ce sens l’article 9 modifié du protocole additionnel de la Cour précité (articles 1) g), 2 et 3) qui définissent les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de la communauté (article 2 en particulier). Tel était d’ailleurs l’enjeu du contentieux Afolabi contre l’État nigérian dans la mesure où ce dernier avait fermé ses frontières, empêchant les opérateurs économiques d’importer leurs marchandises : ECW/CCJ/JUD/01/04, Afolabi Oladjide v. Nigeria, 27 avr. 2004.

77. Dans l’arrêt Pinheiro v. Ghana du 6 juil. 2012, la Cour affirme clairement sa compétence à l’égard d’éventuelles sanctions infligées à un État membre : ECW/CC/ JUD/11/12, Pinheiro v. Ghana, 6 juil. 2012, pts. 46-48.

78. Il est possible d’opposer à notre raisonnement l’argument de « bon sens » selon lequel : qui peut le plus peut le moins. Puisque la CEDEAO a potentiellement la capacité de recourir à des sanctions militaires, pourquoi n’aurait-elle pas le pouvoir d’infliger des sanctions moins graduées, économiques en l’occurrence ? Outre que cet argument ne nous semble pas correspondre à l’esprit général du traité, il risquerait de poser un précédent ouvrant la voie à une interprétation très large du recours à la force.

79. Protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité, du 10 déc. 1999.

80. Ces cas sont précisés à l’article 25 du protocole : a) agression ou conflit armé intervenu dans un État membre ou menace d’un tel conflit ; b) en cas de conflit entre plusieurs États membres, c) en cas de conflit interne qui : (1) : menace de déclencher un désastre humanitaire ; (2) constitue une menace grave pour la paix et la sécurité dans la sous-région ; d) En cas de violation massive des droits de l’Homme ou de remise en cause de l’État de droit ; e) En cas de renversement ou tentative de renversement d’un gouvernement démocratiquement élu ; f) Toute autre action que détermine le Conseil de médiation et de sécurité. Et il faut bien préciser les différences de situations entre le Mali et la Sierra Leone des années 90 : dans le second cas, il s’agissait, sous le leadership du Nigéria, de restaurer l’ordre politique et militaire au sein d’un pays en proie à la guerre civile ; dans le cas du Mali, tout porte à croire qu’il s’agit de faire plier politiquement un État.

81. T. Sampson, « The Responsability to Protect and ECOWAS Mechanisms on Peace and Security: Assessing their convergence and divergence on Intervention », Journal of Conflict & Security Law, 2011, p. 507-540.

82.J. Ukaigwe, ECOWAS Law, op. cit., 2016, p. 109-111. Il s’agit du Bénin, du Burkina Faso du Cap-Vert, de la Côte d’Ivoire, de la Gambie et du Nigéria. Il est difficile d’affirmer avec certitude l’état du processus de ratification dans ces différents pays.

83. Il faut rappeler ici qu’à l’origine, les politiques de sécurité visaient à mutualiser les moyens militaires et sécuritaires des États en vue de la protection de l’intégrité du territoire de la Communauté : O. Benson Osadolor, « The Evolution of Policy on Security and Defence in ECOWAS, 19782008 », Journal of History Society of Nigeria, op.cit., p. 87-103.

84. Pour un point de vue sur les liens entre corruption des régimes civils en place et coups d’État militaires : J. Ibrahim, «Enablers of Return of Military in West Africa», Premium Times, 4 févr. 2022, op. cit.

85. Vision formaliste au sens où, pour la CEDEAO « démocratie » rimerait avec alternance politique. Or, aucune philosophie politique ou juridique ne s’en tient désormais à un tel formalisme. On renvoie sur ce point aux analyses de Claude Ake : C. Ake, A Theory of Political Integration, Homewood Illinois, The Dorsey Press, 1967. D’une manière générale et sans prétendre à l’exhaustivité: voy. E. Wolfgang Böckenförde, Le droit, l’État et la Constitution démocratique, Paris, LGDJ, 2000 (trad. O. Jouajan), spéc. chap. 3 « Naissance et développement de la notion d’État de droit », p. 127-147.

86. Comme le souligne encore Ake, le problème se situe moins dans la définition du concept de démocratie que dans les conditions qui en permettent la réalisation au profit des populations concernées. Pour élites politiques autocratiques des années 70, le concept de démocratie était synonyme d’importation là où les acteurs de l’opposition le percevaient comme une opportunité afin d’accéder au pouvoir ; de leur côté, les institutions internationales ont eu tendance à assimiler le terme de « démocratie » à celui de stabilité politique par l’instauration de mécanismes de responsabilité, de transparence et de « bonne gouvernance » ; enfin, les pays du Nord appréhendent l’usage du concept à l’égard des pays du Sud, comme le signe du triomphe de valeurs politiques universelles. Ces différents usages ignorent superbement comme le montre Ake, la perception de la démocratie par les citoyens ordinaires du continent : C. Ake, The Feasibility of Democracy in Africa, Ibadan, IFRA-Nigeria, 1992 : https://doi.org/10.4000/books.ifra.3290 (consulté le 14 mars 2022).

87. J. Ukaigwe, ECOWAS Law, op. cit., p. 160-162. Rappelons que le mécanisme de surveillance des élections issues du protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance a fait l’objet de critiques, en 2005, de la part du Togo, au motif que les observateurs avaient constaté nombre d’irrégularités. Certains États ont alors critiqué la double casquette de la CEDEAO (intervenant à la fois comme observateur des processus électoraux et comme médiatrice dans les crises politiques des États).

88. Protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité.

89. Ce fut aussi le cas, en mars 2012, lors du coup d’État contre l’ancien président Amadou Toumani Touré. De la même manière que ce qui se passe aujourd’hui, la CEDEAO avait infligé une série de sanctions diplomatiques, économiques et financières alors même que le processus de transition était enclenché 4 jours plus tard par le capitaine A. Sanogo. Voy. communiqué de son excellence A. Ouattara, président de la conférence des chefs d’État et de gouvernement sur la situation au Mali du 7 avr. 2012 : https://www.gouv.ci/doc/COMMUNIQUE_LEVEE_SANCTIONS_MALI7042012.pdf (consulté le 10 févr. 2022). On le voit, l’exigence d’un retour à « l’ordre constitutionnel » était déjà en œuvre.

90.L’inadaptation du mécanisme sur la protection des conflits a par exemple, déjà été démontrée : B. A. Kehinde, « Adapting traditional Peacemaking Principle to Contemporary Conflicts: The ECOWAS Conflict Prevention Framework », African Conflict and Peacebuilding Review, vol. 1, n°2, 2011, p. 183-204.

91. Ainsi que le notent F. Pigeaud et N. S. Sylla : « Mali : un embargo financier illégal avec une empreinte néocoloniale ».

92. Communiqué du 21 févr. 2020 de maître M. Cissé faisant état de deux recours devant la Cour de justice de l’UEMOA.

93. On rappelle que cette durée variait entre 6 mois et 5 ans. La nouvelle charte ne propose sur ce point aucune date précise. La Cour constitutionnelle ne s’est pas encore prononcée sur ces nouvelles dispositions.

94. Comme le montrent les travaux de Emmanuel Balogun, les choses sont plus nuancées. La bureaucratie de la CEDEAO prouve son utilité dans des domaines aussi divers que la gestion de la Covid, les politiques de santé, etc. voy. en ce sens : E. Balogun, « Africa Agency in Practice: Acquiring Agency and Institutional Changes in West African Health Organisation », Africa Spectrum, 2021, vol. 56 (3), p. 293-313 : https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0002039720984481

95. Pour une analyse similaire en droit international privé où le Fonds monétaire international dépasse ses attributions juridiques s’agissant de ses relations avec l’Argentine : K. Patricio Ferreira Lima, C. Marsch, « The IMF’s 2018 Stand-By Arrangement with Argentina: An Ultra Vires Act? », 10 janv. 2022 : SSRN: https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4004595

96. L. Fuller, The Morality of Law, New Haven, Yale University Press, 1964. Une partie de la doctrine africaine s’est aussi interrogée sur la confusion entre droit et violence (au regard des dictatures militaires durant les années 70, mais aussi durant la tenue des Commissions vérité et réconciliation en Afrique du Sud) : T. Olúfé ṃ i, Legal Naturalism :Marxist Theory of Law, Ithaca, Cornell University Press, 1996 ; T. Olúféṃ i, « On the Limits of Law at Century’s End », Social & Political Philosophy, 2001, vol. 11, p. 69-80.

97. Voy. par ex, s’agissant des processus législatifs : K. O. Opalo, Legislative Development in Africa. Politics and postcolonial Legacies, Cambridge, Cambridge University Press, 2019.

98. B. Ibhawoh, Human Rights in Africa, Cambdrige, Cambridge University Press, 2018, chap. 6, p. 173-220.

99. I. G. Shivji, Pan-Africanism or Pragmatism: Lessons of the Tanganyika-Zanzibar Union, Dar Es Saalam, Tanzania, Mkuki na Nyota Publishers, 2008.

100. U. Scarpelli, Qu’est-ce que le positivisme juridique ?, Bruylant/ LGDJ, 2000, (trad. C. Clavreul).

101. Je me fonde ici sur S. N. Grovogui, «Remembering democracy: anticolonial evocations and invocations of a disappearing norm», African Identities, 2015, vol. 13, n° 1, p. 77-91, DOI :10.108/14 725843.2014.961282 (spéc. p. 77-84). Il existe, pourtant, des concepts de « démocratie » forgés et pensés par des Africains, comme le montre l’auteur, en prenant l’exemple de Gabriel d’Arboussier.

102. Voy. en ce sens : K. Alter, L. R. Helfer, J. MacAlister, « A New International Human Rights Court for West Africa: The ECOWAS Community Court of Justice », American Journal of International Law, 2013, Issue 4, vol. 107, p. 737-779. Les retraits récents de la Côte d’Ivoire et du Bénin de la déclaration d’acceptation de compétence de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples en témoignent : K. Kouame et E. J.Tiehi, « Le Civexit ou le retrait par la Côte d’Ivoire de sa déclaration d’acceptation de la compétence de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples : un pas en avant, deux pas en arrière », La Revue des droits de l’homme, n° 21, 2022, DOI : https://doi.org/10.4000/revdh.13985; s’agissant de la République du Bénin : O. Akinkugbe, Houngue Éric Noudehouénou v. Republic of Bénin, American Journal of International Law, 2021, vol. 2, n°115, p. 281-287.

103. Par exemple, la CEDEAO n’a toujours pas pris en considération les travaux entrepris durant les années 1990 autour d’une meilleure prise en considération de la participation populaire en Afrique.  Voy. en ce sens : African Charter for popular participation in development and Transformation, Arusha, 1990 (E/ECA/CM. 16/11) : https://repository.uneca.org/ds2/ stream/?#/documents/25afcd059936-51da-9f42-36e5f2b5b6d6/ page/1 (consulté le 14 mars 2022) ; voy. aussi : Declaration on the Political and SocioEconomic situation in Africa and the Fundamental Changes taking place in the World, (OUA), 1990, Addis-Abdeba, AHG/Decl. 1 (XXVI) : http://archives.au.int/handle/123456789/715 (consulté le 14 mars 2022).

104. C. Ake, Democratization of Disempowerment in Africa, Lagos, 1994, Malthouse Press, Center for Advanced Social Science, p. 4-22.

105. E. S. Nwauche, « Enforcing ECOWAS Law in West African National Courts », Journal of African Law, vol. 55, n°2, 2011, p. 181-202; voy. aussi : S. T. Ebobrah, « Critical Issues in Human Rights Mandate of ECOWAS Court of Justice », Journal of African Law, 2010, vol. 54, n°1, p. 1-25.

106. « CEDEAO : crainte et appel du Président de la Cour de Justice aux États sur les décisions rendues » : https://www.koaci. com/article/2021/10/29/cedeao/ justice/cedeao-crainte-et-appeldu-president-de-la-cour-de-justice-aux-etats-sur-les-decisionsrendues_155029.html (consulté le 10 févr. 2022). Sur les difficultés matérielles rencontrées par la Cour : A. Banjo, « The ECOWAS Court and the Politics of Access to Justice in West Africa », Africa Development, 2007, vol. XXXII, n°1, p. 69-87.

107. Arrêt ECW/CCJ/APP/01/03 Afolabi v. Nigeria, 27 avr. 2003.

108. J. Ukaigwe, ECOWAS Law, op.cit., p. 201-222.

109. Arrêt ECW/CCJ/APP/04/07, Manneh v. Gambia, 5 juin 2008 ; voy. aussi : ECW/CCJ/APP/11/07, Saidykhan v. Gambia, 16 déc. 2010.

110. J. Ukaigwe, ECOWAS Law, op.cit., chap. 5, p. 171-199.

111. Sur cette question centrale des ordres juridiques africains : T. Olúféṃi,« The Legal subject in Modern Africa Law: A Nigeria Report », Human Rights Review, 2006, vol. 17, n°2 , p. 17-34, mais aussi de la philosophie politique : M. Neocosmos, « Development, social Citizenship and Rethinking the Political core of an Emancipatory Project in Africa », Africa Development, 2007, vol. XXXII, n°4, p. 35-70 ; M. Neocosmos, « Are Those-Who-DoNot-Count Capable of Reason? Thinking Political subjectivity in the (Neo) Colonial World and the limits of History », Journal of Asian and African Studies, 2012, vol. 47, n°5, p. 530-547.

112. N. Grovogui, « To the Orphaned, Dispossessed, and Illegitimate Children : Human Rights Beyond Republican and Liberal Traditions », Indiana Journal of Global Legal Studies, 2011, vol. 18, p. 41-63 ; M. Neocosmos, Thinking Freedom in Africa: Toward a Theory of Emancipatory Politics, Johannesburg, Wits University Press, 2016.

113. Le 24 mars 2022, la Cour de justice de l’UEMOA a suspendu provisoirement les sanctions infligées le 9 janvier 2022 par la conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’UEMOA à l’encontre du Mali. Un collectif d’avocats malien a, le 15 février 2002, introduit un recours demandant le sursis à exécution de ce train de sanctions décidé par la conférence des chefs d’État et de gouvernement. L’argument invoqué consistait à démontrer qu’au regard de leur ampleur et de leur « impact social, économique et financier », il y avait urgence à suspendre provisoirement lesdites sanctions. Le motif de l’arrêt donne une idée plus précise des catégories de produits touchés par les sanctions prises par la conférence des chefs d’État et de gouvernement : électricité; produits pétroliers; matériels d’équipements destinés à la lutte contre la maladie COVID-19; matériels d’équipements médicaux; produits pharmaceutiques; produits ou denrées alimentaires de grande consommation. La Cour de justice de l’UEMOA estime en l’espèce que la légalité des sanctions de l’UEMOA est caractérisée par un doute sérieux justifiant l’urgence de leur suspension provisoire. Cette décision, qui ne préjuge en rien du fond de l’arrêt qui sera rendu par la Cour, illustre à tout le moins le caractère disproportionné des sanctions mises en œuvre par l’UEMOA et la CEDEAO.

 

Source : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03683146/document